Entre metal, autodérision et résilience, Psykup revient avec The Joke of Tomorrow, un album qui célèbre 30 ans d’existence sans compromis. Rencontre avec un groupe qui cultive l’art du metal expérimental, le tout arrosé d’une positivité enflammée.
1. D’où vient le nom « Psykup » ? Est-ce lié à « psychopathe » ou à l’imaginaire du clown ?
Non, ça ne vient pas de là. À l’époque de la création du groupe, on était fans de Cyco Miko, le projet parallèle de Mike Muir (Suicidal Tendencies). Le côté « Psycho » nous plaisait bien, on était jeunes et ça collait avec notre énergie. Mais c’était aussi une référence à la psyché qui s’élève, l’idée de se transcender, d’optimiser la vie et de positiver.

2. Ce nouvel album, The Joke of Tomorrow, est le premier sans Matthieu, membre fondateur. Comment s’est passée la composition ? Avez-vous dû réorganiser votre façon de travailler ?
Non, parce que Matthieu n’était pas compositeur, il co-écrivait avec moi. Comme j’ai toujours été le principal compositeur, la ligne directrice et le son du groupe n’ont pas changé. Le plus dur, c’est quand un compositeur clé part… Là, on a surtout perdu une voix, celle à laquelle les fans étaient habitués. Notre nouveau chanteur, Mathieu (Romarin), a une voix très différente, et c’est tant mieux : on n’a pas cherché à reproduire l’ancien. Comme Linkin Park récemment, mieux vaut assumer le changement pour éviter les comparaisons.
La transition a été fluide : quand Matthieu (Milka) est parti, on avait deux semaines pour trouver un remplaçant avant une tournée. Mathieu Romarin a passé l’audition, on a répété deux morceaux… et direct, on a su que ça marchait. Il a intégré l’essence du groupe rapidement. On a ensuite composé Happy Sad pour présenter cette nouvelle voix, avant de sortir The Joke of Tomorrow.
3. Comment les fans ont-ils accueilli ce changement ?
Globalement bien. Les gens comprennent qu’un groupe évolue. Certains ont râlé, comme toujours, mais beaucoup ont fini par adhérer après nous avoir vus en live. L’épreuve du feu, c’est la scène : là, tu sens si l’énergie passe. Notre nouveau chanteur amène sa patte, et c’est une force. C’est comme quand AC/DC a remplacé Bon Scott par Brian Johnson : c’est différent, mais ça fonctionne.
4. Vous vous définissez comme de l’« Autruche Core ». Pouvez-vous nous expliquer cette appellation ?
Tout vient d’un morceau culte, L’Autruche, présent sur notre première démo. Ce titre durait 17 minutes (voire 20 en live !) et incarnait notre style : des changements brusques d’émotions et de genres. L’autruche est devenue notre mascotte : un oiseau qui ne vole pas, un peu bizarre, mais hyper agressif. On adore son côté décalé par rapport aux clichés du metal (squelettes, dragons…).
Comme on refusait les étiquettes, on a lancé « Autruche Core » par provocation. Au final, ça nous colle parfaitement : c’est absurde, imprévisible, et ça nous ressemble.
5. Quelles ont été les inspirations de The Joke of Tomorrow ?
Un peu de metal (thrash, hardcore, death), mais surtout des influences extérieures : rock (Nirvana), funk, soul, jazz, musique de film… Des groupes comme Strapping Young Lad, Alice in Chains ou Primus nous ont marqués, mais aujourd’hui, on ne calcule plus : on compose instinctivement.
L’album parle de résilience, d’avancer malgré les épreuves. C’est un thème qui nous touche, surtout après les changements dans le groupe. On veut montrer qu’on peut rire des problèmes, les désacraliser, et en tirer une force.
6. Avez-vous un morceau préféré sur l’album ?
Ça dépend des jours ! Same Player résume bien Psykup en 2024 : riffs tranchants, passages jazzy, énergie rock… Sinon, j’adore Big Garden Life avec sa vibe funky et sa voix féminine. Ce morceau surprend : l’intro fait presque R&B, puis on bascule en hardcore. J’aime désarçonner l’auditeur !
7. Dans la scène metal, certains mélanges de genres passent mieux que d’autres. Partagez-vous ce constat ?
Oui, il y a des clichés. Dans les années 90, la fusion metal/rap/électro était acceptée, puis c’est devenu « ringard ». Aujourd’hui, ça revient, et c’est tant mieux ! Des groupes comme Igorrr ou Bloodywood mélangent tout, et ça marche. Le metal est une musique ouverte, mais il reste des puristes… Perso, je trouve ça dommage de cloisonner.
8. Vos inspirations viennent-elles plutôt de la scène française ou internationale ?
À la base, on a une culture anglo-saxonne (États-Unis, Angleterre). Mais la scène française actuelle est excitante : Pogo Car Crash Control, Svart Crown… En hip-hop, j’aime beaucoup le français aussi. Après, nos références metal restent majoritairement internationales.
9. Envisagez-vous des collaborations futures ? Avec qui ?
Oui ! Un orchestre symphonique, ce serait incroyable (comme Metallica avec Michael Kamen). Sinon, Thundercat, un bassiste génie, ou un chanteur soul façon James Brown sur un morceau qui tabasse. On adore les défis !
10. Cet album célèbre vos 30 ans de carrière. Quel regard portez-vous sur ce parcours ?
Je suis fier qu’on tienne depuis si longtemps. Beaucoup de groupes de notre époque ont disparu… On a survécu grâce à notre ténacité et une équipe talentueuse autour de nous. C’est un luxe de vivre de sa musique, et on n’oublie pas cette chance.
11. Quels sont vos projets ? Une tournée en vue ?
Oui ! On démarre le 5 avril à Tours, puis Rissorangis, Lille, La Rochelle… Une tournée européenne se prépare aussi. On va moins multiplier les dates mais viser des concerts impactants.
12. Une date de concert que vous attendez particulièrement ?
Paris, car c’est toujours un événement. Et Lille, où le public est fou. Les festivals aussi, j’adore l’ambiance !
13. Qu’écoutez-vous en ce moment ?
Le dernier Metallica (72 Seasons), Marilyn Manson (surprise par son retour aux sources), et des découvertes comme Oklou (pop expérimentale). Et la BO de Twisters, une compil’ country-rock parfaite pour la route !
14. Un mot pour les lecteurs de Metalleux de France ?
Merci de soutenir le metal français ! Continuez à venir aux concerts, acheter des albums et partager la musique. C’est grâce à vous que la scène reste vivante.
Interview et texte par Anna Grésillon