27/9/2024

Entretien avec Ryan Knight de The Black Dahlia Murder, à l'occasion de la sortie de Servitude

Bonjour, merci beaucoup, je suis ravie de pouvoir discuter avec toi. Je suis une fan de très longue date, avant même ton arrivée dans le groupe, car je vous suis depuis 2006, je crois [Rires].

Ah, oui, c’était un peu plus de deux ans avant moi ! [Rires]

Donc, c’est un vrai plaisir pour moi !

Merci beaucoup, je suis ravi également.

Le groupe a bien failli ne plus exister, avec ce qu’il s’est produit avec Trevor [le chanteur et fondateur du groupe s’est donné la mort en 2022] En tant que simple fan, c’était déjà un événement très triste et choquant, donc je ne peux pas imaginer ce que cela a été pour ceux qui étaient proches de lui. Il y a bien sûr eu des débats pour savoir s’il fallait continuer le projet ou non. Toi tu avais été absent du groupe pendant 6 ans et tu as décidé de revenir. Est-ce que ça a été une décision difficile à prendre, est-ce que tu as dû y réfléchir longuement ou est-ce que ça t’a semblé naturel ?

C’était assez naturel. Quand Brian m’a demandé de revenir, c’était naturel, et surtout, je pense que c’est tombé au bon moment dans ma vie. À l’époque, ma femme et moi vivions à Nashville, dans le Tennessee, je travaillais dans l’informatique dans une université de la Ivy League. Ma femme est originaire de la région de Détroit, dans le Michigan, qui est le lieu de naissance du groupe. Notre fils était sur le point de naître et nous n’avions aucune famille à Nashville, donc nous avions déjà réfléchi à repartir dans la Michigan pour se rapprocher de la famille de ma femme. Du coup, quand Brian m’a appelé, je lui ai dit : « Tu sais, on envisageait de retourner dans le Michigan de toute façon ». Et environ un an plus tard, c’était fait, et j’avais un travail qui m’attendait déjà sur place ! Donc, oui, ça s’est fait plutôt naturellement.

Et avec la naissance de ton fils, est-ce que tu as dû réfléchir au fait que tu allais devoir partir en tournée et donc être moins à la maison ?

Oui, j’ai une fille qui a bientôt 16 ans et j’ai été pas mal absent pendant environ les sept premières années de sa vie, mais je crois que l’entourage est également important. Ici, nous sommes dans un bon contexte car ma femme a beaucoup de famille dans les environs. Donc, au moins, si elle a besoin de quelque chose pendant mon absence, il y a pas mal de gens qui peuvent l’aider. C’est toujours difficile de devoir partir, mais ça fait partie du job. Ce n’est jamais facile, mais je crois que même si nous faisons des tournées, nous ne partons pas autant qu’avant. Avant, nous faisions près de 200 shows par an, c’est énorme. Mais il n’y a pas d’autre solution, c’est toujours dur, même si on ne fait que 30 shows par an, au total ça fait tout de même un mois de manqué ! Mais j’ai eu beaucoup le temps de réfléchir à tout cela quand je n’étais plus dans le groupe, et j’en suis venu à la conclusion que c’était mieux pour moi de suivre ce que mon instinct me disait de faire. J’ai essayé d’avoir une toute autre carrière et c’était bien, j’aimais ça, mais chaque jour, je me disais quand même : « je devrais sûrement être en train de jouer de la guitare ou faire quelque chose en rapport avec cet univers ». Donc, c’est vraiment bon d’être de retour en dépit des défis que ça représente.

Alors, le nouvel album sort fin septembre [2024]. Chaque album est spécial dans la carrière d’un groupe, mais celui-ci doit l’être tout particulièrement, car c’est le premier sans Trevor. Comment était l’ambiance pendant la création de cet album ?

C’était bien sûr un peu étrange qu’il ne soit pas là, car il l’avait été sur tous les autres albums, mais dans le même temps, il y avait une certaine excitation car de nouvelles choses se passaient. Brian est passé au chant et je suis dans le groupe en même temps que Brandon. Je le connais depuis pas mal de temps, mais nous n’avions jamais été dans un même groupe ensemble. Alors cela ouvre de nouvelles portes. Il n’y avait jamais eu deux guitaristes lead, alors on peut faire de nouvelles choses avec ça. Et pour moi, personnellement, c’est très agréable d’être de retour avec les autres, de faire de la musique. J’ai l’impression d’être de retour dans mon élément. Donc, oui, je me souviendrai de la création de tous les albums auxquels j’ai participé, mais celui-ci plus que tous les autres.

En tout cas, de mon point de vue, l’album est une tuerie, il est génial !

Merci !

Je l’ai beaucoup apprécié. Quel est ton morceau préféré, si tu devais en choisir un ?

Oh, je ne sais pas si je pourrais en choisir un. Je pense qu’ils sont tous géniaux. Je pense qu’ils ont tous leur propres vibe. Je ne crois pas avoir de favori, mais Transcosmic Blueprint, c’est un morceau qu’a écrit Brian, il se passe plein de trucs cools dans ce morceau. Il y a plein de niveaux d’écoute et on découvre des choses à chaque fois. Donc, voilà, je vais partir sur celui-là, histoire d’en choisir un ! [Rires]

Oui, je comprends, je ne crois pas que je pourrais en choisir un seul non plus !

Oui, c’est difficile.

Et quel était le morceau le plus difficile, soit à composer, pour ceux dont tu es l’auteur, soit à enregistrer ? Est-ce qu’il y en a un qui a représenté un défi particulier ?

Euh, je dirais que "Transcosmic Blueprint" est un morceau assez compliqué, "Servitude" également est un morceau compliqué… En gros, ceux que Brian a composés pour cet album sont assez délicats pour arriver à faire ressortir toutes les subtilités, que toutes les notes soient bien audibles… ce sont probablement les plus difficiles, et tout particulière pour Alan [le batteur] avec tout ce qu’il a à faire. Et il s’est passé un truc quand Max enregistrait la basse… on travaillait sur le morceau qui donne son titre à l’album, "Servitude", qui est un morceau complexe, et le bouton de tonalité de la basse était enclenché sans qu’on s’en aperçoive, et donc Max a dû réenregistrer le morceau dans son intégralité, ça a été un sacré boulot. Mais tous les morceaux présentent leurs propres défis, même ceux qui ne sont pas nécessairement les plus durs à jouer, il faut s’assurer que toutes les guitares sont bien accordées et être très précis.

Qui a choisi le titre de l’album et pourquoi ?

Je dirais que c’est Brian qui l’a trouvé. On a balancé quelques idées et on s’est arrêtés sur Servitude. C’est une suite de nos titres d’albums à trois syllabes, mais il n’y a pas nécessairement un sens super profond caché. Il faudrait demander à Brian, mais pour moi, même si le mot « Servitude » a une connotation négative, je le vois plutôt dans le sens où on essaye de servir le groupe et son héritage, de se mettre au service des fans pour leur offrir quelque chose qu’ils vont vraiment aimer avec ce disque. Faire quelque chose qui les satisfasse et qui nous satisfasse également.

Ça doit être vraiment spécial pour toi d’être de nouveau dans le groupe et sur scène. Est-ce que c’est quelque chose qui t’avait beaucoup manqué ?

Oui, clairement ! Ça me manquait beaucoup et maintenant que je suis un peu plus vieux… parfois, en vieillissant, on prend plus le temps de réfléchir aux choses et de les apprécier. La première fois que j’ai rejoint le groupe, j’étais assez jeune, j’avais 25 ans, et à cet âge, quand on enchaîne en permanence les tournées et les enregistrements, on peut vite être blasé. On en fait tellement qu’on finit en quelque sorte par ne plus y réfléchir. Mais en ayant passé 6 ans hors du groupe, maintenant je me sens vraiment reconnaissant pour tout ça. Là, on revient juste d’Europe où on a fait quelques dates cet été, et pour moi c’était presque surréaliste de me retrouver en Europe. C’est un endroit où j’ai passé tellement de temps pendant 7 années… tu sais, on allait Europe généralement deux fois par an. Et je n’y étais pas allé durant près de 9 ans et ça semblait presque irréel d’être de retour. Mais, bon, c’est l’Europe ! Je pensais que les choses auraient peut-être beaucoup changé mais, au final, je me suis réadapté très vite [Rires]. Mais, oui, ça a été génial d’être de nouveau sur scène et de revoir plein d’endroits que je n’avais pas vus depuis longtemps. Et aussi, plein de gens que je n’avais pas vus depuis longtemps ! Tout spécialement durant les festivals.

Oui, je vous ai vus à Wacken cette année !

Oh, oui, c’était un super moment !

Oui, c’était génial. Pour être honnête, j’étais assez dans l’expectative… Non pas que je n’étais pas certaine que Brian allait assurer, mais c’était la première fois que je voyais le groupe sans Trevor, et quand le chanteur change dans un groupe, tout particulièrement quand le précédent était aussi charismatique que Trevor, on ne sait jamais à quoi s’attendre, c’est toujours un peu bizarre. Mais là, je dois dire qu’au bout de 10 secondes à peine, tout ça s’était envolé ! Ça a été parfait dès le départ ! Enfin, jusqu’à ce qu’il se mette à pleuvoir, car je dois dire que vous avez été les seuls cette année à déclencher une véritable averse à Wacken !

Oui, je m’en souviens. Il a commencé à pleuvoir, j'ai observé et je me suis dit : « Oh, c’est pas mal, les gens ont l’air de passer un bon moment quand même, ils n’ont pas l’air de partir ! ». Heureusement pour nous, la scène était au sec. La pluie n’a pas du tout abîmé le matériel, donc c’était plutôt chouette. Je crois que quand il s’est mis à pleuvoir, on jouait "Everything went black" ! [Rires] Mais, oui, un très bon souvenir. J’étais très content de la manière dont les choses se sont déroulées ce jour-là.

Le groupe est originaire du Michigan. Je n’y suis jamais allée, je ne connais que l’Ohio, qui est voisin, donc j’ai peut-être complètement tort, mais tel que je l’imagine, en dehors de Détroit, c’est surtout des lacs et des forêts. Pourtant, la scène metal y est assez développée. À quoi c’est dû, selon toi ?

Euh, je peux me tromper, mais je pense que la scène metal dans le Michigan s’est surtout beaucoup améliorée au cours de la dernière décennie. C’est de là que nous sommes originaires, donc je ne suis peut-être pas totalement objectif, mais j’ai l’impression que nos shows ont toujours été plutôt bons ici. Et, là encore, je peux me tromper, mais j’ai l’impression que pour les tournées, c’était un petit peu quitte ou double concernant Détroit. Parfois, les tournées passaient par Cleveland ou Pittsburgh, ou peut-être importe, et après elles sautaient Détroit pour aller directement à Chicago, en tout cas les tournées de groupes de metal. Maintenant, je vois plein de choses différentes juste à côté de chez moi, à Royal Oak. Par exemple, on va jouer au Royal Oak Music Theatre pour notre prochaine tournée. Je sais que Mercyful Fate a joué ici il y a quelques temps, mais j’ai l’impression que maintenant presque toutes les tournées passent par ici. Donc pour moi c’est une preuve que la scène metal a grandi ici. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Je dirais que c’est peut-être un peu grâce à une salle des environs appelée Sanctuary. Je ne sais pas qui la gère, mais ils organisent plein de concerts en permanence, ça aide à faire vivre la scène. Detroit a toujours un bon vivier metal, punk et même grind, mais j’ai l’impression que les choses ont pris vraiment de l’ampleur ces dix dernières années.

Tu as joué partout. Où trouve-t-on le meilleur public d’après toi ?

Oh, c’est difficile à dire. Je pense que je dirais en Amérique Latine… c’est toujours génial. Là-bas, tout particulièrement en Argentine, les gens chantent super fort sur les mélodies de tous les morceaux. La plupart du temps, ils sont totalement déchaînés. Ils sont très bruyants et très remuants, même si on voit qu’ils apprécient vraiment la musique. Mais on passe de bons moments partout dans le monde. J’y ai beaucoup réfléchi, et je ne sais pas comment l’expliquer, mais parfois je crois que c’est lié à la culture locale. Dans certains endroits, les gens aiment vraiment la musique mais ils préfèrent rester immobiles et écouter. Parfois, on se dit : « Ah, je n’ai pas l’impression qu’ils aiment ». Mais si on les regarde bien, on voit qu’ils applaudissent après chaque morceau et écoutent vraiment attentivement. Donc, ils ne sont pas forcément en train de sauter partout, mais ça ne veut pas dire qu’ils n’écoutent pas et qu’ils n’apprécient pas. Alors c’est difficile à dire, mais pour l’endroit où les gens deviennent complètement tarés, l’Amérique Latine est vraiment à part. Il y a de très bons endroits aux États-Unis aussi… À Los Angeles, chaque fois qu’on y joue, c’est génial. Mais, oui c’est très difficile à dire, il y a des publics de malade partout… en Europe, en Australie, partout !

Quel est ton pire souvenir de concert ?

Une fois, ce doit être en 2009 ou 2010, je n’étais pas dans le groupe depuis très longtemps… on était au Venezuela et on jouait dans une petite salle. Le concert en soit était très bon, il y avait plein de monde et toute le monde a adoré. Mais ce qui était moins bien, c’est que la mise à la terre électrique de la salle déconnait, et à chaque fois qu’un de nous ou quelqu’un du public touchait Trevor, on se prenait une décharge ! La première fois, j’ai eu l’impression qu’on venait de me lancer une brique en pleine tête. C’est la sensation que j’ai eue ! Je me suis dit : « Qu’est-ce qui vient de se passer ? ». J’ai regardé autour de moi, j’avais vraiment l’impression que quelqu’un venait de me frapper avec quelque chose, mais c’était en fait une violente décharge. Et pendant la chanson suivante, Trevor était là, genre : « Arrête de me toucher ! » et je ne pigeais rien à ce qu’il me disait. Et il m’a dit : « Je me prends des décharges ! ». Et il y a une vidéo sur YouTube où on voit ça ! Donc, ce concert était une mauvaise expérience, parce qu’on se prenait des décharges, c’était horrible. Le concert en soi était super, mais ça, c’était horrible !

Wow ! J’imagine !

C’est ce qui me vient à l’esprit comme pire souvenir !

Ça se comprend. Est-ce qu’il y a une tournée prévue avec la sortie de l’album ?

Oui, on va faire plusieurs dates aux États-Unis et au Canada de début octobre à mi-novembre environ, avec Dying Fetus, Angelmaker, Spite et Vomit Forth. C’est une belle affiche : il y a Dying Fetus qui sont des légendes, puis nous qui sommes une peu les « vieux de la vieille » sur cette tournée, et Angelmaker et Spite, je pense qu’ils sont plus jeunes, et Vomit Forth aussi. Donc, il y a aura un bon mélange de plusieurs choses. J’espère que le public appréciera, mais en tout cas, on a vraiment hâte, ça va être génial de tourner avec Dying Fetus.

C’est clair. Des dates prévues en Europe également ou pas encore ?

Eh bien, on est rentrés d’Europe il y a un peu plus d’une semaine, on y a passé trois semaines, et on y avait déjà passé trois semaines en juin-juillet. Donc, on vient de passer 6 semaines en Europe, même si c’était en très grande partie pour des festivals avec quelques concerts dans des salles. On reviendra probablement en Europe l’année prochaine, mais ce ne sont que des suppositions. En sûrement pour une tournée en salle, selon moi. Car on doit vraiment faire une vraie tournée en Europe.

Ce sont des bonnes nouvelles ! Eh bien, merci beaucoup et on espère à très bientôt sur scène.

Oui, c’est quasiment certain qu’on va venir. Je ne sais pas quand, peut-être au printemps, ce n’est pas encore défini, mais en tout cas, on reviendra en Europe l’année prochaine, et j’espère t’y voir ! [Rires]

J’y serai, c’est certain ! Merci encore !

Merci à toi.

Orsola G.

Découvrez également notre chronique de Servitude :

https://www.metalleuxdefrance.fr/chroniques/the-black-dahlia-murder---servitude

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