Les monstres du Metal Prog suédois sont de retour avec un album concept intitulé « The Last Will & Testament ». Un album étrange dont les morceaux n’ont -quasi- que des numéros en guise de titres. Nous avons discuté avec Mikael Åkerfeldt – chant, guitares- et Fredrik Åkesson – guitare, chœurs- de la trame narrative de l’album, de leur carrière et du retour du growl. [Rencontre avec Mikael Åkerfeldt et Fredrik Åkesson par Anna Grésillon et François Capdeville]
Comment se passe votre visite à Paris ?
Michael: Nous sommes toujours contents de venir en France. Mais Paris est tellement grand, et en tant que suédois, c’est difficile de ne pas se perdre ici.
Votre album est construit sous forme de paragraphes numérotés. Nous avons particulièrement aimé paragraphe 2…
Michael: C'est mon titre préféré aussi. Bien qu’il soit à la deuxième place dans l’album, il a un rôle central car il est le fruit d’une combinaison unique entre Ian Anderson et Joey Tempest: Joey chante et Ian fait le narrateur.
Frederik: Et Michael arrive peu après, en growlant… C'est un titre bizarre, vraiment fou…
Et vous Frederik, quel est votre morceau préféré ?
J'aime beaucoup paragraphe six. Parce que c'est probablement la chanson la plus difficile à jouer. Le cinquième l’est aussi, mais il est un peu plus rapide et il y a beaucoup de riffs de guitare vraiment amusants.
Cette flûte malsaine dans le track 7 nous a renvoyé au cinéma d’horreur des 70’s…
Michael : J'aime beaucoup la flûte de Ian Anderson qui apporte une dimension diabolique à l’album. Ce titre est le plus sinistre de tout l'album.On dirait effectivement la trame musicale d’un film d'horreur. Je joue de la flûte avec un Mellotron qui crée cette atmosphère (il chantonne une mélodie dissonante).
Comment on fait pour avoir une légende du prog telle que Ian anderson dans son album ? Comment est née votre collaboration ?
Michael Nous avons été invités à le rencontrer dans un studio de musique il y a quelque temps par l’intermédiaire d’un ami, alors qu’il se produisait sur scène avec Jethro Tull à Stockholm. “Are you that guy from that band? “me dit-il… “Yes! I am that guy” lui dis-je…Ian est une personne de prime abord discrète, mais qui dégage une autorité naturelle. Il est assez intimidant et encore plus quand on connaît son œuvre musicale. Nous avons beaucoup parlé de son époque, de sa musique, de ses débuts. Et moi je le bombardais de questions car je suis passionné. Nous avons continué par correspondre par mail. C’est un génie, un homme qui m’a inspiré. J’ai fini par lui proposer de participer au projet. J’avais peur qu’il refuse car il est très occupé… Quel soulagement quand j’ai vu son YES s’afficher dans ma boîte mail. Je trouve complètement surréaliste de l’avoir avec nous.
La Suède est un petit pays, vous êtes environ 10 millions. Comment expliquez-vous cette capacité à produire autant d’artistes immenses et célèbres dans tous les genres musicaux ?
Frederik : Nous avons bénéficié de choix politiques qui ont facilité l’accès à la musique, en permettant d’emprunter facilement des salles de répétition, des instruments et du matériel et en bénéficiant d’une bourse. Dans les autres pays, les enfants font souvent du sport. Mais en Suède, beaucoup de parents souhaitent que leurs enfants jouent d'un instrument. Donc dans mon cas, comme pour beaucoup d’autres, ce fut la flûte à bec. Pour d’autres ce fut le violon ou encore l’accordéon. Comme il fait sombre la plupart de l'année, les gens restent assis à l'intérieur et s'entraînent.
La Suède a également toujours été une étape pour beaucoup de groupes de jazz. Au début, dans les années 50, des artistes tels que Miles Davis, Coltrane, Monk et Charlie Mingus ont posé leurs bagages à Stockholm. D’autres artistes rock tels que les Yardbirds, Led Zeppelin ou Jimi Hendrix sont également venus jouer en Suède. Stockholm était une ville importante pour la musique, ce qui, je suppose, a suscité un intérêt musical au sein de la population. Nous avions beaucoup de magazines spécialisés, dont un en particulier que tout le monde se procurait, et qui couvrait tout, du heavy metal à la pop.
Michael : Il y a quand même un paradoxe. J’ai l’impression qu’en Suède il y a une loi culturelle subliminale qui fait que les gens vivent pour travailler. Tu te lèves et tu vas au travail ! Un vrai travail. Nous valorisons beaucoup le travail manuel par exemple. Alors quand on décide de devenir musicien. On souffre de préjugés. Combien de fois j’ai entendu “ go to find a real job !
Même avec vos parents ?
Michael : J’ai toujours eu le soutien de mes parents…Mon père m’a toujours encouragé psychologiquement et financièrement. Je me souviens quand même que ma mère, bien qu’elle soit désormais très fière de ce que j’ai accompli, était inquiète à mes débuts. Et pour avoir deux filles, je la comprends trop bien car on se fait toujours du souci pour l’avenir de nos enfants.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes générations qui doivent décider de leur avenir ?
Michael : Se rappeler qu'on ne vit qu'une fois, ce genre de choses…ce serait dommage de passer sa vie à s’ennuyer.
Vous n’avez qu’une seule date en France. Pourquoi ?
Frederik : Pour des raisons personnelles. Après des années passées sur les routes et loin de nos proches, nous essayons désormais de nous centrer sur nos familles et de les retrouver dès que nous le pouvons. Voilà pourquoi nous évitons de multiplier les dates dans chaque pays que nous traversons.
Michael. Il paraît que vous êtes un grand collectionneur de vinyles. Quelle est la pièce la plus rare ou le vinyle le plus rare d'un artiste français que vous possédez dans votre collection ?
Je dirais Magma. Ou enfin plutôt l’autre groupe composé de la majeure partie des membres de Magma, qui avaient sorti un album… Ange je crois. J'ai aussi la première copie originale de Histoire de Melody Nelson de Gainsbourg… un superbe disque.
En 30 ans de carrière et 14 albums, plusieurs changements au sein du groupe et des milliers de concerts, de quoi êtes-vous le plus fier ?
Michael : Wow, quelle question difficile ! Je suis fier que nous ayons encore un nouvel album à sortir. Nous avons toujours réussi à avancer en faisant de la musique que nous estimons intéressante. Un ami nous a récemment dit qu’il trouvait que nous nous bonifions avec le temps, contrairement à une majorité de groupes. Vu sous cet angle, je suis plutôt content. Et puis je suis ravi d’échanger avec toi aujourd’hui, et demain avec un autre journaliste passionné de musique dans un autre pays.
Photo portrait : François Capdeville
Texte : Anna Grésillon & François Capdeville