10/1/2024

Health : esthétique rétro-futuriste et symphonie cyberpunk

War Rats est le sixième et nouvel album du groupe californien Health, notamment connu pour avoir composé toute la bande sonore de Max Payne 3. Health est un groupe à l’identité singulière marquée par le Thrash, mais aussi la new wave, l’indus et l’Electro Body Music (EBM). Un album introspectif et sombre. Une réussite. [Interview de John Famiglietti, Bassiste, par François Capdeville] [Photo de couverture : Jesse Lirola]

John Famiglietti, Bassiste et Producteur - Health (Photo: François Capdeville]
Votre son puise ses racines dans les 80’s. On ressent clairement les influences des genres indus et new wave…

Tout à fait. Nous aimons beaucoup les scène Electronic Body Music (EBM) belge et allemande qui ont été très avant-gardistes à l’époque, et de manière générale tous les courants post-punk et Metal des 80’s. C’était une décennie très riche et créative au niveau de la musique. Nous sommes également des grands admirateurs de la musique de film de cette période… une musique aux ambiances très visuelles. Je pense évidemment à Carpenter.

Les titres des chansons de “War Rats” sont très sombres :  “Ashamed of being born”, “Unloved”, “Hateful”, “Sick love”… Etes-vous un pessimiste ?

La noirceur du monde et la folie humaine sont une source d’inspiration. Nous avons choisi des clés musicales sombres pour orienter notre musique. Mais je te rassure, dans la vraie vie, nous aimons les gens et particulièrement nos fans. D’ailleurs nous communiquons beaucoup avec eux sur les réseaux. Nous partageons très facilement notre vie. Je crois que les gens pensent que nous sommes beaucoup plus sombres que dans la réalité !

Nous sommes dans une spirale de violence -sous toutes ses formes- et le niveau de stress du monde est élevée. Est-ce que cette dynamique négative vous influence ?

Oui complètement. Nous avons démarré la conception de l’album en 2022. A chaque fois que j’allumais la télévision ou que je checkais mon téléphone, les informations étaient alarmantes. La guerre en Ukraine, l’inflation et son impact sur les plus fragiles dans la société, les tremblements de terre en Turquie. Fuck Man ! J’avais – et j’ai encore- l’impression d’être prisonnier de mon téléphone et de ses alertes infos en continu. Aucun répit. Les réseaux sociaux corrompent nos cerveaux. Il faut apprendre à les contrôler et se contrôler.

Le cinéma a également une influence sur votre univers créatif…

Tout à fait. J’ai d’ailleurs l’impression de vivre des événements prévus par les films d’anticipation/ de science-fiction d’il y a dix ou vingt ans et que l’on commentait à l’école.  Health est un groupe fasciné par la dystopie. Mais contrairement à ces films qui racontaient comment sera le futur, nous parlons de ce que nous observons et ressentons au moment présent.

Bientôt 20 ans de carrière. Vous avez collaboré avec de nombreux artistes et producteurs, vous avez exploré plusieurs genres musicaux. De quoi êtes-vous le plus fier ?

Déjà 20 ans ! D’abord nous pensons que War Rats est vraiment notre meilleur album ! Tu vas me dire que je raconte la même chose que tous les groupes qui sortent un nouvel album… Mais, sincèrement, je pense que c’est le plus mature et réaliste de notre production. Bon, je devrais citer aussi le travail que nous avons fait pour Max Payne 3 qui nous a fait un grand coup de pub.

Est-ce que vous pensiez à vos débuts qu’un jour vous feriez le tour du monde grâce à votre musique ?

Bien sûr que non. Mais je dois dire que l’on a commencé à voyager assez rapidement grâce à Health. Au bout de trois ans d’existence je crois.  

Avez-vous connu également des frustrations dans votre carrière ?

La frustration est une sensation universelle. Dompter la frustration est un état d’esprit. Certains veulent toujours plus : un plus gros festival, un plus gros cachet… « Pourquoi cette salle me semble si petite alors qu’elle nous nous paraissait immense quand nous débutions ». Bref on n’est jamais content. Nous avons des amis très talentueux et célèbres, mais qui vivent dans l’insatisfaction car ils trouvent que leur projet ou leur carrière ne va pas assez vite ou loin. Ce sentiment de frustration peut aussi être un moteur.

Quels sont les artistes Metal qui vous inspirent ?

J’ai grandi en écoutant Pantera. J’aime aussi les groupes de Metal Indus. Ministry est une grande source d’inspiration en termes de son mais aussi de longévité. J’aime le Thrash Metal. Quand j’étais jeune, Metallica était déjà une religion.

J’ai envie de citer aussi plein de trucs des 90’s comme Godflesh. D’ailleurs on a repris Sicko dans notre nouvel album. J’espère que vous aimerez. On a rajouté des couches de guitare plus crispy à l’aide de synthés.

Vous avez collaboré avec les artistes français Perturbator et Sierra.  Raconte-nous…

Cela faisait plusieurs fois que des gens issus du Metal nous avaient conseillé de tourner avec Perturbator : « vous verrez, il a un son electro que les gens du Metal aiment ». Evidemment ça a fait « tilt » ! Alors nous nous sommes rencontrés et les projets sont nés au fur et à mesure des échanges.  Idem pour Sierra. Elle fait un super travail dans un style EBSM (Electronic Body Synth Music). Vous avez des grands groupes electro en France comme Justice et Daft Punk. Et j’aime beaucoup votre scène EBSM, très dark. D’ailleurs, quand je mixe en tant que DJ, j’aime bien mettre du son français.

Il faudra penser à mettre du Jean-Michel Jarre alors !

J’adore Jean-Michel Jarre. (John chantonne un air). Un grand artiste et une grande influence pour moi.

Est-ce que l’on peut espérer un show de Health à venir l’année prochaine en France ? Vous vous produisez souvent en Allemagne ou en Angleterre, moins chez nous.

Pour l’instant nous sommes en tournée promo. Mais nous avons prévu de jouer l’album live en 2024. Paris sera une ville incontournable. C’est sûr !

En tant qu’artiste passionné par la machine, as-tu peur de l’IA et de sa capacité à créer de la musique ?

Est-ce que j’ai peur de l’IA ? Oui !  Est-ce que j’ai peur de son impact sur mon travail ? Non ! Ou du moins, pas encore ! J’ai essayé quelques outils de génération de musique puissants. Mais je trouve qu’ils ne sont pas encore utiles pour m’aider à créer.  Tout est dans mon cerveau et mon ressenti.

Qu’aimerais-tu dire aux lecteurs français qui liront cette interview ?

« Merci beaucoup » (en français). Ecoutez notre album. Et j’espère que vous viendrez à nos concerts

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