L’équipe de Métalleux de France a eu la chance de rencontrer Eric Perrin, directeur de la communication du Hellfest pour discuter des choix artistiques et des défis à venir pour l’un des plus grands festivals Metal du monde.

A l’aube des 20 ans du Hellfest, allez-vous faire évoluer l’expérience Warmup en 2026 ?
Pour commencer, c’est déjà un défi de refaire le festival d'année en année. C'est quand même une grosse machine à organiser, à mettre en place, avec beaucoup de moyens humains, logistiques, techniques là-dessus. Maintenant, nos défis sont surtout liés aux sujets de société, comment réduire l’impact carbone du festival, comment avoir de de moins en moins recours à des énergies fossiles, notamment pour tout ce qui est alimentation, électricité. Mais également faire attention à faire de notre festival un espace accueillant et valorisant pour les musiciennes et artistes femmes. C'est pour ça notamment que cette année, on a voulu faire un focus sur une programmation purement féminine le vendredi en Main Stage 2, en plus de programmer des artistes féminines tout le long du week-end et sur toutes les scènes. Nous souhaitons montrer les tendances et les évolutions de la scène metal. Enfin, et c'est un de nos sujets majeurs, nous allons continuer à progresser dans la lutte contre les VSS (violences sexistes et sexuelles), en consolidant nos actions avec La Hellcare (Des équipes en maraude sont organisées avec des personnes formées sur l’alcool, les drogues, la sexualité... afin de fair de la prévention et de mieux lutter contre les violences sexistes et sexuelles).
Cette année, il n’y a pas de dates à l’étranger pour le Warm Up du Hellfest. Est-ce volontaire ?
Non pas vraiment, nous planifions des dates quand nous le pouvons en fonction des opportunités et des salles disponibles. Quand on a l'occasion, on est ravi de choisir plutôt des pays francophones comme la Belgique et la Suisse.
Vous avez fait un pari intéressant de proposer des nouveaux noms qui sont parfois qualifiés de plus mainstream, notamment Muse, cette année, Shaka Ponk ou Machine Gun Kelly, les années précédentes. Certains reprochent au Hellfest d'être de moins en moins Metal. Qu’en pensez-vous ?
Nous acceptons ces critiques, car nous sommes face à des changements au niveau du style musical. Le temps passe et les groupes vieillissent et nous devons composer avec cela. Les jeunes groupes ne fédèrent pas toujours autant que les anciens qui sont de véritables références dans le domaine. Nous les aimons et adorons les programmer. Mais nous avons également le devoir de suivre aussi des groupes qui, selon notre perception, ont leur place au festival, même si leur style n’est pas forcément lié aux codes de la culture Metal. Nous avons booké par le passé Prodigy, cette année ce sera Cypress Hill. Ce ne sont pas des groupes purement metal, mais ils entrent quand même dans l'esthétique alternative et rebelle qu'on a envie de défendre au Hellfest. Nous comprenons que cela puisse choquer certains puristes. Nous faisons le choix de suivre l'évolution du monde de la musique, et d’essayer humblement de nous renouveler.

Est-ce que c'est un moyen d'assurer la survie du festival sur le long terme ?
Oui totalement. Le directeur du Download Festival a eu un discours similaire, en plaçant Sleep Token en tête d'affiche cette année. Il y a deux ans, c'était un groupe qui n'existait quasiment pas, ce qui rend leur pari encore plus audacieux que le nôtre. Ils estiment que c'est un élément important de la nouvelle génération qui a maintenant sa place en tant qu'Headliner. Si nous souhaitons survivre, nous devons prêter un minimum d’attention aux groupes de Metal capables de fédérer la jeunesse. Nos têtes d’affiche cette année sont des groupes qui remplissent d’immenses salles en France, tels que Linkin Park, dont les places pour leur concert parisien se sont faites dévalisées. Falling in Reverse, Electric Callboy ou encore Korn sont également des artistes appréciés. Muse remplit systématiquement le stade de France lors de chaque passage en France, ce sont des grands noms. Malheureusement, si on programme tous les ans les mêmes groupes, le festival ne pourrait pas perdurer très longtemps.
Certains fans de black et de death estiment qu’il y a moins de groupes Black et Death programmés à altar/temple. Partagez-vous ce constat ?
Nous n’avons pas cette impression-là car c'est un style qui reste prédominant sur ces scènes en question. Effectivement, nous n’avons pas 4 jours de Black Metal ou 4 jours de Death sur l'Altar, nous souhaitions que ces scènes puissent apporter un peu de nouveauté. Nous ne souhaitons pas booker sans cesse les mêmesles mêmes représentants de ces styles musicaux. La difficulté réside également dans le fait que ce ne sont pas des styles où il y a beaucoup de renouvellement, ce qui rend l’exercice parfois difficile. Les nouveautés qui débarquent n’en sont pas encore au point de pouvoir être placées en semi-tête d’affiches sur ces scènes. Nous avons donc fait le pari d’imaginer de nouvelles propositions qui ne s’éloignent pas trop de l’esprit originel de ces scènes. Nous avons programmé par exemple Alcest, Deafheaven et Bathory. Je pense qu'il y a quand même une bonne base de black-metal. Il faut juste être un peu plus curieux et se risquer à écouter de nouvelles choses qui sortent un peu des classiques du genre. Mais, il n’y a eu en aucun cas une volonté d'exclure ces styles musicaux car on y tient beaucoup.

Comment avez-vous choisi les groupes participant à la warm-up ?
Effectivement, on a un peu changé notre façon de faire. D'habitude, nous étions portés sur des groupes qui avaient une grosse fanbase et qui faisaient déjà beaucoup de dates en France. Cette année, nous avons décidé de faire l'inverse. Nous avons sélectionné les groupes qui se font un peu plus rares en France ou qui ont encore une notoriété à construire. Nous voulions faire de ce warm-up une sorte de mise en bouche de l’édition du Hellfest 2025. Avec Novelists et Nervosa, nous sommes heureux d’avoir pu choisir des groupes qui se complètent bien et qui n'appartiennent pas au même style musical.
Cette année, le warm up met en avant les femmes avec Nervosa et Novelists…
Nous avons organisé une journée 100% groupes féminins au Hellfest cette année, car c’est quelque chose qui nous tenait vraiment à cœur depuis déjà plusieurs années. Attention, nous ne sommes pas dans une logique de quotas, nous ne programmons pas ces groupes simplement parce qu’ils comprennent des femmes. Nous les mettons en avant car ce sont à nos yeux des artistes qui manquent injustement de visibilité. On ne peut pas le nier, il y a encore un manque de visibilité des femmes sur la scène metal. L'idée était de montrer cette diversité dans le metal. Nous voulions envoyer un signal fort et montrer aux jeunes filles qu’il y a de la place pour elles dans ce milieu musical.
L’an dernier, vous avez proposé une date de de votre Warmup, dans un lieu exceptionnel - la philharmonie de Paris - qui célébrait le Metal autour d’une grande exposition. Projetez-vous de proposer à nouveau des dates dans des lieux insolites ?
Là aussi, cela dépend des occasions et des opportunités qu'on peut avoir avec les salles. C'est vrai qu'on aime bien ces petits apartés et rentrer un peu par la petite porte de certaines institutions. C'est toujours très agréable d'être accepté dans des institutions comme la Philharmonie de Paris. C'est un beau mouvement pour montrer que le metal se démocratise et qu'on est plus accepté en général, même s'il y a encore beaucoup de travail à faire. On ne se ferme pas à l'idée qu'il y ait des opportunités. On a plein d'autres idées en tête pour 2026-2027.
Est-ce que dans la même démarche que les Warm Up, il serait possible de voir un jour des évènements post Hellfest au mois de septembre, du style : Return to Hell ?
Si seulement on avait le temps, on aurait adoré ! C’est déjà parfois compliqué d’organiser un festival, ainsi que le warm-up. Nous ne pouvons malheureusement pas faire plus. La priorité de Hellfest Production, c'est d'organiser le festival avant tout. On se permet d'organiser ça parce qu'on arrive à dégager un peu de temps et de moyens pour faire ça. Mais l'activité principale, ça reste quand même le Hellfest.
As-tu un message pour les lecteurs de Metalleux de France ?
Nous espérons voir voir à la Warm Up ! C'est l'occasion de discuter du festival, de rencontrer les artistes de façon plus intimiste. C'est une sorte d’apéro avant la grande fête de juin. Alors Cheers et à très vite !
Photos: François Capdeville
Journaliste: Anna Grésillon