KLOGR sort ce jeudi 31 octobre 2024 son nouvel album, Fractured Realities. Un projet ambitieux, qui s'accompagne d'une proposition visuelle hors du commun. Nous avons rencontré Rusty, chanteur de la formation, pour un long entretien dans lequel il évoque ce nouvel opus mais aussi la notoriété, la scène metal italienne, les troubles mentaux, les réseaux sociaux et de nombreux autres sujets, avec humour, réflexion et sincérité.
KLOGR existe depuis 2011, ça fait déjà un peu de temps. Au départ, tu te voyais poursuivre le projet aussi longtemps, où tu voulais juste tenter pour voir ce que cela donnerait ?
Non, l’idée c’était qu’après diverses productions en italien pour lesquelles je jouais uniquement dans notre beau pays, KLOGR est né en tant que projet à exporter en Europe et dans le monde. On a eu des hauts de des bas, l’idée était de faire en sorte que le projet devienne autonome et à un niveau assez élevé. Nous n’y sommes jamais vraiment parvenus jusque-là, espérons que ça va changer avec cet album.
Ah oui, on va parler un peu plus en détail de ce super album juste après ! Il y a eu différents changements de line-up…
Oui.
On peut même dire beaucoup de changements….
Oui, beaucoup.
À quoi c’est dû ?
C’est tout simplement car comme depuis le départ KLOGR n’est pas un travail à temps plein, les situations de vie des différents membres ont conduit à faire des choix. Moi, de mon côté, j’ai toujours voulu que ce projet devienne notre véritable travail à plein temps. En Italie, ce n’est pas très facile. L’Europe n’est pas loin, et les changements de line-up ont toujours été liés à des changements de style de vie des membres et non à des renvois. En gros, je ne suis pas Dave Mustaine ! [Rires] Ça a surtout été une question de temps. Par exemple, le dernier membre à quitter le groupe, Pietro Quilichini, qui a joué sur Keystone, au bout d’une tournée, étant également professeur et concertiste en Italie, ne pouvait plus suivre les tournées du groupe. Donc, malheureusement, il a dû se retirer du groupe, tout en restant en contact avec nous et en étant toujours un bon ami.
Bien sûr, quand il faut travailler, s’occuper de sa famille…
Oui, il a des choix à faire. Disons que dans tout cela, j’ai toujours été le plus impliqué dans le projet, car c’était mon idée à l’époque. Avec le temps, j’ai un peu adopté une philosophie « Qui m’aime, me suive ». Parfois, ça été un suicide et parfois, ça a fonctionné [Rires]. Je n’ai jamais forcé personne, mais ce n’est pas facile d’être dans un groupe de niveau moyen, où la charge de travail est très élevée proportionnellement à l’argent qui rentre, ou aussi au niveau de satisfaction que cela apporte, car parfois nous avons fait des tournées en fourgon où on jouait devant trente personnes.
7 ans se sont écoulés depuis Keystone, tu as travaillé toutes ces années sur l’album où tu as commencé un peu plus récemment ?
Non, on a sorti Keystone en 2017, puis on a fait une tournée en Europe avec The Rasmus où on avait comme batteur Art Cruz, actuel batteur de Lamb of God, avec qui nous avons noué une amitié durant la tournée avec Prong en 2014. Cette amitié est encore très forte, je l’ai revu cet été, c’est quelqu’un de formidable et il mérite tout ce qui lui arrive. En 2018, tournée avec Butcher Babies, en 2019, tournée avec Infected Rain, en 2020, pandémie. On a commencé à préparer, écrire, etc., puis il y a eu un arrêt naturel, un peu à cause de la pandémie qui nous a tous un peu déstabilisés. Moi, j’ai commencé à travailler sur mon projet solo pour lequel j’ai pris une vingtaine de morceaux existants et ai fait des covers à la guitare acoustique ou électrique, et des choses un peu inhabituelles. Là, on a commencé à composer la partie instrumentale de l’album, puis il y a eu un autre temps d’arrêt en 2021-2022. En 2023, on a commencé à parler tournée et on s’est dit, ok, on va revenir en arrière et essayer de finir l’album. En 2024, on a vu qu’on arriverait à programmer la tournée, donc on s’est dépêchés de finir l’album.
Et donc on a Fractured Realities qui sort à la fin du mois [octobre 2024]. Il y a déjà des singles et un clip. C’est toi qui as chois quels singles sortir ?
Oui !
Comment s’est fait ce choix ?
On a sorti deux single l’année dernière. Pour nous, c’était ceux qui avaient le plus de chances de marcher. L’album n’était pas encore terminé. Nous avons tenté de jouer cette carte du : « On va faire sortir des singles et vois ce qu’il se passe ». Mais on s’est rendu compte que nous n’étions pas franchement un groupe fait pour les « likes » et le streaming. Donc, les résultats des singles n’ont pas été ce à quoi je m’attendais. Nous sommes un groupe qui est plutôt fait pour les concerts, pour le contact direct avec le public, et c’est pour cela qu’on a de nouveau interrompu le projet après la publication des deux premiers singles, et une fois trouvé une tournée suffisamment importante qui pourrait nous amener à la rencontre des gens, on a terminé l’album. À partir de là, la publication des singles suivants qui sont sortis jusqu’à aujourd’hui, a été dictée un peu par la vitesse avec laquelle le public pourrait s’approprier un morceau, et un peu par le concept de vidéos sur lequel on travaille.
Alors, oui, il y a le clip de « One of Eight », qui est génial…
Merci beaucoup !
Qui a travaillé sur ce clip ?
Alors, ce qui est bien avec KLOGR c’est qu’en bons italiens on reste une famille, dans le sens que j’ai contacté Joba et Giampi qui ont été respectivement bassiste et guitariste du groupe en 2012-13. Ils sont tous les deux réalisateurs de clips. Je leur ai proposé l’idée folle de réaliser 10 clips dont on pourrait ensuite puiser des visuels à présenter en live. Donc, je peux dire que c’est moi qui ai travaillé à la conception du projet en soi, les vidéos ont été réalisés par eux, qui ont cherché à traduire mon idée de visualiser les émotions du morceau et ses textes à travers des vidéos et des visuels.
Et les 10 vidéos sont déjà prêtes ?
Oui, elles sont toutes prêtes ! Si tu payes, je peux te les montrer ! [Rires] Non, je plaisante. Les sorties sont échelonnées pour le 17 octobre, une deuxième vidéo, le 31, à la sortie de l’album, une autre, puis une par semaine. C’est un concept où une actrice italienne nommée Martina Sacchetti, dirigée par nos deux anciens membres plus Roberto, un autre réalisateur qui a déjà fait des clips pour nous, interprète les émotions des divers morceaux. Les vidéos sont liées par le fait que l’actrice, dans le personnage de Lila, cherche dans plusieurs valises, en ouvre une à chaque fois et y trouve un objet. À travers cet objet, elle entre en contact avec l’état émotionnel du morceau. À partir de là se développe tout le visuel du morceau, et à la fin, Lila place l’objet dans un coffre. Donc, vidéo après vidéo, les valises vont se vider et le coffre se remplir. Le tout dernier morceau proposera la clé de lecture avec la découverte du dernier objet et… eh bien, il faut regarder toutes les vidéos pour avoir la solution de l’histoire.
C’est un véritable film…
Oui, c’est une sorte de film, même si bien sûr le fond est toujours notre musique. C’est un film visionnaire, il n’y a pas d’histoire narrative au sens propre. Par exemple, dans la première vidéo, on la voit se transformer en ce clown un peu effrayant. Dans la prochaine, elle prend une forme différente avec un autre objet. Donc, on ne peut pas vraiment parler d’histoire au sens linéaire du terme où elle accomplirait diverses actions. On a la visualisation d’un état émotionnel, et elle qui accumule, un peu comme nous le faisons avec notre état intérieur, diverses choses qui nous conduisent à éprouver diverses émotions. Les conteneurs, ce sont nous, car toutes ces émotions font partie de nous. Et déchiffrer ce qui est bon ou mauvais se fait souvent par rapport à l’extérieur où les autres nous disent : « Ah, mais lui, il fait ceci ou cela, il est fou ! »… mais en réalité, il a peut-être ses raisons ou il n’a peut-être tout simplement pas exploré correctement certaines peurs, angoisses, ou d’autres types de problèmes. Bien sûr, notre but n’est pas d’enseigner quoi que ce soit, car nous ne sommes ni psychologues, ni docteurs. Mais ce sont des choses que, souvent, nous avons vécues personnellement, ou qu’on a vu chez des gens très proches. Et on a dans l’idée que si un gros problème est décomposé en 10 problèmes plus petits qu’on résout l’un après l’autre, le problème lui-même semble beaucoup moins grand à affronter. Parfois, on se dit, « Ah, je dois faire ça », mais cela semble tellement difficile qu’on le laisse toujours de côté, on ne l’affronte jamais. Cette procrastination permet à ce type de problèmes et d’émotions de grandir encore jusqu’à devenir incontrôlables sans même qu’on s’en aperçoive. Et ainsi, il se crée un dysfonctionnement – qui n’en est pas un en réalité – car on ne met jamais les choses sur la table pour les affronter. Par exemple, au niveau de la sexualité, de nos jours on parle beaucoup de « coming out », mais le problème c’est qu’il y a un stéréotype social et mental qui vous fait sentir différent des autres. Mais, en réalité, vous n’avez rien qui ne va pas. Dans la nature, tous les types de tendances sexuelles – à moins bien sûr qu’elles ne créent des problèmes à d’autres, par exemple aux enfants, ou des violences – tant qu’il y a un réel consentement, font partie de la nature. Et puis, que signifierait « non-naturel » ? Quelque chose qui ne correspond pas à ce qu’ont dicté les diverses religions ? Ce qu’ont dicté les bien-pensants ? De nos jours, on se scandalise de la pédophilie mais malheureusement, même si c’est extrêmement grave, cela date de la Grèce antique, ce n’est pas apparu cette année. Seulement on n’en parlait pas, car il était mieux de ne pas savoir, c’était difficile à expliquer, etc… Donc, voilà, c’est un peu tout cela qui est développé dans l’album.
Et donc, durant les concerts, vous allez projeter des vidéos ?
Oui, pour cette tournée, comme nous sommes les invités d’Evergrey, eux auront leur spectacle avec leur écran que nous ne pourrons pas utiliser – ce que je comprends parfaitement, j’aurais fait pareil – puisque leur set-up est déjà réglé. En revanche, comme on s’est parfaitement entendu avec toute l’équipe, on va pouvoir amener deux écrans latéraux sur lesquels on pourra projeter les visuels. Bien sûr, les salles ne sont pas immenses et donc les écrans non plus, mais on verra quand même suffisamment, et on aura tout un jeu de lumières qu’on a créé sur plusieurs mois de travail, et qui sera coordonnée avec le spectacle.
Ça va être génial !
Merci, j’espère que tu pourras venir à une des dates…
Oui, a priori le 17 novembre…
Voilà, c’est parfait, comme ça après le concert tu pourras me confirmer si vraiment tu as trouvé ça génial ! [Rires]
Je vais peut-être changer d’avis ! [Rires]
Je ne pense pas, mais c’est peut-être présomptueux ! [Rires] On verra, c’est un joli pari !
Votre son est très années 90… Quelles sont tes influences, est-ce qu’il y a des groupes qui t’ont particulièrement marqué ?
Alors, je pourrai affirmer que nombre de mes influences sont aussi celles des autres membres du groupe… Il y a des éléments un peu plus grunge comme le guitariste, Crivez, il y a des éléments un peu plus metal comme le batteur, il y a des éléments un peu plus alternatifs comme le bassiste, mais si on devait donner 4 ou 5 noms dont on est tous d’accord pour dire qu’ils font partie de nos influences, on peut citer Tool, Nine Inch Nails – et d’ailleurs dans cet album on a inséré de l’électronique et des synthétiseurs – A Perfect Circle, Chevelle, autant de groupes qu’on voit malheureusement assez peu en Europe. Chevelle fait parti de me groupes préférés. J’aime beaucoup In Flames également, mais eux sont Européens. Tous ces groupes américains, même s’ils ont une bonne notoriété en Europe, n’ont pas un marché si gigantesque que ça. Ici, il y a plus une tendance metal classique, metal épique, alors ces groupes qui aux États-Unis remplissent des festivals de milliers de personnes régulièrement, ne jouent que de temps en temps en Europe. Mes influences sont donc très orientées sur le metal alternatif anglo-saxon. C’est un peu difficile à concrétiser pour nous, mais on ne va pas changer pour un style qui ne nous appartient pas simplement pour mieux marcher.
Je trouve que votre chaîne YouTube est magnifique, elle est très cohérente, il y a les trailers, plein de choses… Ce sont tes idées ?
Malheureusement, oui ! [Rires] Tout est très artisanal, c’est du fait maison ! Dieu merci, j’ai dans mes relations des réalisateurs, donc ils m’aident à faire des choses un peu plus professionnelles et moins amatrices. Le concept prévoit 3 trailers pour chaque vidéo, l’explication de ce à quoi fait référence la vidéo. Par exemple, pour « One of Eight », il est expliqué qu’il s’agit d’un pourcentage. Selon les recherches, 1 personne sur 8 déclare souffrir d’un problème émotionnel ou mental. Les autres font semblant de rien ou pensent être bizarres. La vidéo est d’abord annoncée, puis elle est expliquée, donc on a tout un jeu de renvois. Il y aura deux playlists : une avec tous les trailers, et une avec les dix vidéos et leurs histoires style cliffhanger, partie après partie.
Là vous partez pour près de deux mois avec Evergrey, dans presque toute l’Europe. C’est une longue tournée, tu t’y es préparé ?
J’ai tellement hâte ! Alors, sans vouloir minimiser ce que l’on va faire, nous on ne jouera que 45 minutes, il faut rendre les honneurs à Evergrey qui eux joueront 1h30. Ce sont eux qui vont cravacher ! Nous, pour 45 minutes de show, parfois on ne se rend même pas compte d’être montés sur scène. Malheureusement, c’est tellement rapide ! Mais bon, avec une pincée de prétention, je peux dire qu’on est totalement prêts à affronter un voyage de ce genre. Même si c’est la plus longue tournée qu’on ait jamais faite. D’habitude, on fait 27-28 dates sur 30 jours. C’est la première fois qu’on va en faire 46 et 52 jours, 7 semaines.
Et où se trouve ton public préféré ?
Alors, ce n’est pas parce que je suis là, mais aussi parce qu’on a toujours eu une promo soignée grâce à Roger [Wessier], je dois dire qu’en France l’accueil a toujours été beaucoup plus chaleureux. En termes de pourcentages, à part nos tous premiers shows où on a joué dans des bars minuscules, on a toujours eu des gens qui venaient nous voir ne serait-ce que parce qu’ils avaient entendu parler de nous. Il se produit la même chose en Angleterre, où nous avons également des relations presse très méticuleuses et précises dans la communication. Cela signifie que le travail des organismes de promo pour communiquer, y compris avec des canaux autres que les habituels réseaux sociaux, fonctionne. Et pour le reste, comme on dit en Italie, « Ogni scarrafone è bello a mamma sua » [traduction littérale : chaque cafard est beau pour sa mère]… mais je dois dire que, malheureusement, en Italie, j’ai rarement joué devant des publics qui avaient vraiment envie d’être là et qui étaient là pour une bonne raison. Ils étaient là uniquement soit parce que c’étaient des amis, soit par hasard. Bon, heureusement, dans quelques festivals, ça a été un peu différent, mais comme on dit « nul n’est prophète en son pays ». Il faut dire aussi que c’est le pays où nous avons tenté de faire le plus de concerts. Donc, en proportion, c’est celui où on a eu le plus de déceptions, de concerts qui ne se sont pas passés comme on l’aurait voulu. Le public italien reste souvent sur les balcons, c’est difficile de le faire s’impliquer… Ou c’est peut-être nous qui ne sommes pas capables de les faire s’impliquer, c’est possible ! Nous ne sommes peut-être pas adaptés, on ne sait jamais ! Mais la France, l’Angleterre… ce sont des publics qui nous ont beaucoup offert. À notre grande surprise aussi, même si nous ne sommes pas très connus en Allemagne, là aussi on a connu de très bons moments. Par exemple, lors de la tournée avec Prong, il y a eu quelques soirs où sans être particulièrement connus en amont, nous avons été très agréablement surpris. C’est toujours un peu l’inconnu, cela dépend de la manière dont se passent les choses.
Vous avez joué avec de nombreux groupes, quelle est ta meilleure expérience ? Les gens les plus sympas ? Ou les moins sympas ? [Rires]
Alors, malheureusement, je vais être partial, car en 2014, lors de notre première grande tournée avec Prong, nous nous sommes immédiatement liés d’amitié aussi bien avec Tommy qu’avec Jason, le bassiste, et Art Cruz, l’actuel batteur de Lamb of God. Après cette tournée, Art Cruz est venu passer deux semaines en Italie, il est venu chez moi et j’ai joué les guides touristiques pour lui. Je l’ai revu cet été, et on a toujours un lien très fort. Et le voir passer de son premier groupe américain, à Prong, puis à Lamb of God, alors que je le considère un peu comme mon petit frère, je ne peux qu’être fier de son travail. Nous nous sommes également très bien entendus avec Butcher Babies, avec Infected Rain… ce sont autant de gens avec qui on a immédiatement noué des liens en tournée. Pour nous, les shows sont très importants. Quoi qu’il arrive, on trouve toujours des solutions. Cependant à l’extérieur parfois c’est différent, et je continue de voir les membres de Prong, mais je n’ai plus revu Butcher Babies ni Infected Rain. Alord qu’Art Cruz, comme j’ai dit, je l’ai revu cet été, j’ai revu Jason il y a deux ans, Tommy je l’ai revu à Los Angeles… Et cette tournée avec eux à l’époque avait été un peu notre baptême de véritables tournées « sérieuses ». Les membres de Prong sont vraiment dans notre cœur.
De nos jours, beaucoup de choses passent par les réseaux sociaux, qu’est-ce que tu penses de cette évolution ?
Je pense que cet un excellent mode de communication si on le voit comme tel. Si on les voit en tant que fin ultime, c’est un peu la tombe de nombreuses choses. Comme je l’ai dit précédemment, nous ne sommes pas un groupe de live ni de streaming. SI tu utilises une plateforme telle que Spotify plutôt qu’Instagram pour découvrir un groupe, et qu’ensuite tu vas écouter le disque, puis vivre l’expérience du groupe en live, là je crois qu’il y a encore une authenticité dans le processus. J’ai deux filles, et les voir scotchées aux réseaux sociaux, penser que c’est cela la réalité et aspirer à devenir influenceuses… alors que la plupart des influenceurs jouent sur l’ignorances ou du moins sur les espoirs et les désirs des gens pour faire du score, c’est pour moi un signal d’alarme. On ne peut pas les combattre, ou plutôt, les critiquer sans les connaître, y avoir pénétré et cherché d’en tirer le positif. Il y a une part de positif en tout. Donc, les réseaux ont sans aucun doute détruit une partie du marché musical tel que nous le connaissions. Cela étant, le marché musical d’avant était peut-être trop monopolisé d’une autre manière. Certains artistes se plaignent de ne plus avoir les revenus d’antan… mais peut-être qu’ils en avaient trop, avant ! Bon, après il ne faut pas que ça se réduise trop non plus, car de nos jours 1 million d’écoutes sur Spotify représentent quelques centaines d’euros de royalties, alors qu’à une époque, 1 million d’écoutes, c’était 1 millions d’euros. Donc, pour moi, les réseaux sociaux doivent rester un instrument, un moyen, et non une fin.
L’Italie a l’origine n’est pas franchement un pays de metal…
Non !
Mais j’ai l’impression que les choses changent un peu, qu’il y a beaucoup plus de groupes qu’avant, qui jouent beaucoup à l’étranger…
Tout à fait !
Tu le ressens également ?
Oui, même si je suis déçu que les groupes soient un peu obligés, d’une certaine manière, de jouer beaucoup à l’étranger et peu en Italie. Mais il reste un noyau dur de personnes qui y croient vraiment, qui continuent d’organiser des festivals, souvent de qualité. La seule chose que je pourrais reprocher, mais ce n’est que mon point de vue personnel, c’est que l’Italie manque d’une véritable scène. En 2011, nous avons tenté de créer un collectif de groupes pour organiser des choses ensemble… mais même si on arrive toujours après les autres, il me semble qu’il y a plusieurs groupes qui se remuent. Par exemple, sur notre tournée avec Evergrey, il y a deux autres groupes italiens qui se partageront les dates. Bon, l’un d’eux est suisse en réalité, mais le chanteur est italien, c’est Marco Pastorino, il est excellent. L’autre groupe vient de Bologne et est également formidable. Donc, l’élan existe, et j’espère que les choses vont se débloquer tôt ou tard. C’est certain que Lacuna Coil a abattu des barrières, et ce serait bien qu’il se crée un véritable circuit comme on pouvait en voir dans les années 90, mais vu que les tendances sont plutôt à des styles différents, la trap, dans choses du genre, cela semble difficile. Mais les choses changent et je suis toujours resté très optimiste sur l’Italie, en me disant que notre pays ne pouvait pas être que cela. Car si notre style musical est déjà considéré comme marginal en Europe, imagine ce que ça donne en Italie ! Mais je vois de nombreux festivals, tels que l’Emergency, le Metalitalia qui, certes, proposent principalement beaucoup de Power metal, mais bon…
Niveau Power metal, l’Italie est plus que bien représentée avec Rhapsody !
En effet, quand je sillonnais l’Europe il y a quelques années, à part eux et Lacuna Coil, c’est tout ce que les gens connaissaient. Maintenant, je peux aussi parler de Secret Sphere, de Labyrinth. Mais, bien sûr, tout le monde connaît Rhapsody. Il y a aussi plein d’autres groupes qui proposent plein de choses. Il y a un groupe dont le nom ne me revient pas là, ils sont habillés en pirates et ils tournent même aux États-Unis…
Il y a Fleshgod Apocalypse également…
Fleshgod Apocalypse ! Bien sûr, ils ont un gros succès.
Wind Rose aussi…
Oui, il y en a, de plus en plus ! Beaucoup de très bons groupes de styles différents. Ce ne sont pas nécessairement les styles que moi j’écoute, donc c’est un peu compliqué pour moi d’envisager des collaborations, mais j’ai énormément de respect pour eux. Et c’est vrai que ces dix dernières années, la scène italienne prend de l’ampleur.
Mais si tu prends par exemple Secret Sphere, que tu as évoqué tout à l’heure, le groupe existe depuis 1997 et pourtant ici ils sont finalement assez peu connus… J’ai l’impression que les groupes qui se sont formés plus récemment ont parfois mieux bénéficié de l’élan que tu évoquais…
Oui, les interactions sont parfois étranges. Par exemple, je sais que Secret Sphere a fait des festivals, des choses de ce genre, et à un moment leur chanteur était Michele Luppi, qui a fini dans Whitesnake. Ils ont eu plusieurs gros noms parmi eux. Mais quelques fois, il y a une part d’inconnu. C’est certain que ce qu’a fait Lacuna Coil, en arrivant à percer aux États-Unis, et en termes de cohérence et de constance de carrière – même si musicalement on peut ne pas aimer, on peut trouver ça monotone, etc., chacun a sa propre opinion – mais le fait est que c’est le seul groupe italien que je connaisse qui ait atteint ce statut au niveau international et qui puisse vivre de sa musique à plein temps. Il n’y a rien à redire à cela. Ceux qui critiquent doivent s’acheter une vie ! [Rires].
Pour conclure, est-ce que tu as un message que tu voudrais faire passer à Metalleux de France ?
J’espère vous voir à nos dates en France car, sans vouloir paraître prétentieux, je pense que ce seront les meilleurs shows que KLOGR ait jamais proposés et certainement notre meilleur album jusque-là. J’ai essayé d’avoir un peu un œil de producteur, de voir notre show de l’extérieur en le filmant, et même si je suis toujours très sévère et très critique envers moi-même, je me suis dit : « putain, c’est chouette ! ». Donc j’espère vous soir à nos concerts, car je pense que le public pourra y trouver au moins quelque chose de différent. Et j’espère que ça vous plaira ! [Rires]
Merci !
Merci beaucoup à toi.
Orsola G.
Merci à Gabriele « Rusty » Rustichelli et à Roger Wessier pour cette interview.