● Silhouette fut fondé en 2019. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la naissance de votre groupe ? Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce nom ?
Achlys : Tout d’abord, merci à vous pour l’invitation ! Effectivement, Silhouette est né en 2019 dans un tout petit appartement situé à Montpellier. J’avais beaucoup de choses assez personnelles à exprimer et j’y arrive toujours plus facilement en musique. En 2019 et encore aujourd’hui, j’écoutais beaucoup de black metal et je trouvais que ce style, notamment par son côté viscéral, collait bien pour interpréter ce que j’avais à dire. A la base, Silhouette devait être un projet solo et assez intimiste que je souhaitais sortir presque en autoproduction. Mais au fur et à mesure que le projet se construisait, j’ai ressenti le besoin d’y incorporer des voix claires féminines. J’ai donc contacté Ondine afin qu’elle puisse enregistrer les voix sur le premier disque du groupe. De fil en aiguille, j’ai également eu envie de monter sur les planches avec Silhouette, je me suis donc entouré de musiciens qui sont également devenus avec le temps des proches et qui portent cette flamme.
Nous avons retenu le nom « Silhouette » pour deux raisons principales. Dans un premier temps, je cherchais un mot afin de synthétiser ce que j’observais dans mes rêves d’adolescent. Je faisais assez régulièrement des rêves autour d’une femme qui revenait de manière assez récurrente. Je n’ai jamais su comment interpréter cette présence qui pouvait parfois apparaître de manière assez maternante en me guidant durant ces longs voyages oniriques et d’autres fois de manière cauchemardesque ou semblant me prévenir d’un danger imminent. C’est à travers ce flou dans ses traits, son apparence et ses intentions que j’ai opté pour « Silhouette ».
La deuxième raison réside dans l’ambiance que nous souhaitons installer dans notre musique. Quelque chose de vaporeux, nuancé, parfois d’assez indicible. Nous trouvons ce flou et cette dimension de mystère à travers le terme « Silhouette ».
« Nous avons retenu le nom « Silhouette » pour deux raisons principales. Dans un premier temps, je cherchais un mot afin de synthétiser ce que j’observais dans mes rêves d’adolescent. (…) La deuxième raison réside dans l’ambiance que nous souhaitons installer dans notre musique. Quelque chose de vaporeux, nuancé, parfois d’assez indicible. » Achlys
● Silhouette a commencé comme un projet solo mais vous êtes maintenant composé de six membres. Comment la dynamique a-t-elle évolué depuis l’ajout de nouveaux membres et comment chacun contribue-t-il créativement au projet ?
Achlys : Je pense sans exagérer que c’est la meilleure décision que j’ai prise concernant ce projet. Lorsqu’on fait un projet solo, on est certes au centre pour pouvoir exprimer précisément ce que l’on ressent et c’est grisant mais on est également limité par plein d’éléments, notamment sa propre technique, ses influences et ses idées. Le chant dans Silhouette est quelque chose de central, c’est lorsque j’ai commencé à travailler avec Ondine et Yharnam que j’ai compris et développé ce qui allait vraiment être plus tard Silhouette. Ils apportent une toute autre dimension aux compositions initiales. Pour le moment, le schéma de composition n’a pas encore beaucoup évolué, je propose aux autres membres des « squelettes » de morceaux avec des guitares et une batterie et ils sont entièrement libres dessus pour composer leurs parties. La grande différence de travailler avec d’autres musiciens est le fait qu’ils puissent apporter des suggestions, des idées et des critiques pour améliorer voire totalement changer l’ambiance de la musique. Sur l’album « Les Dires de l’Âme » par exemple, Yharnam et Ondine ont choisi la thématique ou plutôt le « fil rouge » du disque. Les membres de Silhouette ont pu tous d’une certaine manière, s’imprégner de l’atmosphère du projet et déposer petit à petit leur patte personnelle.
Au-delà de ça, tous les membres trouvent des places dans lesquelles ils se spécialisent. Ondine et Yharnam s’occupent intégralement de la composition de leurs placements vocaux et de l’écriture des paroles, ils ont donc une place centrale dans la démarche artistique du projet. Ils s’occupent également de donner vie visuellement au projet en créant tous les graphismes, pochettes et designs liés au groupe. Vyartha s’occupe de tout l’aspect « technique » et nous permet de toujours améliorer notre son et nos prestations en concert. Grise est un peu le « cerveau » du groupe, dans un premier temps elle nous supporte tous, ce qui n’est pas chose aisée, mais elle se charge également de toute la logistique des concerts, de l’organisation et des commandes de merchs.
Yharnam : Achlys a bien résumé l’ensemble ! Ondine et moi nous nous occupons bien évidemment du chant et de l’écriture des paroles, mais également de l’aspect visuel. Nous sommes tous les deux graphistes/illustrateurs et ça simplifie grandement les choses. La charte graphique (instaurée par Ondine) est extrêmement importante car c’est le premier contact que l’auditeur a avec l’album.
« La grande différence de travailler avec d’autres musiciens est le fait qu’ils puissent apporter des suggestions, des idées et des critiques pour améliorer voire totalement changer l’ambiance de la musique. » Achlys
● Quelles sont vos inspirations musicales et artistiques ? Sont-elles plutôt issues de la scène française ou internationale ?
Achlys : Nos influences et sources d’inspiration sont en perpétuelle évolution au sein du groupe. Celles que nous avons pu digérer sur notre premier EP « Les Retranchements » sont déjà très éloignées de celles que nous avons mises en avant sur « Les Dires de l’Âme ». Je dirai que le projet a débuté sur la base d’un black metal atmosphérique à la fois inspiré de la scène française « blackgaze » avec Alcest ou encore Les Discrets jusqu’à des groupes plus internationaux comme Mare Cognitum, Sylvaine ou encore Darkher.
Puis progressivement, nous migrons vers un mélange de black metal et de musique extrême plus « post » et « ambient » beaucoup plus inspiré par des projets comme Amenra, Cult Of Luna, Converge, Envy. Ces styles très « post metal » ou « post hardcore » nous touchent particulièrement, notamment dans l’intensité des émotions qu’ils retranscrivent, c’est cette intensité que nous recherchons dans Silhouette.
Au-delà de la musique, la volonté du projet est également d’apporter une touche cinématographique et visuelle. Pour cela, je m’inspire personnellement du sound design des films de Bertrand Mandico (Les Garçons Sauvages), Ari Aster (Midsommar, Hereditary) ou encore Robber Eggers (The Lighthouse).
« Ces styles très « post metal » ou « post hardcore » nous touchent particulièrement, notamment dans l’intensité des émotions qu’ils retranscrivent, c’est cette intensité que nousrecherchons dans Silhouette. » Achlys
Yharnam : Les influences musicales sont variées et cela va dépendre du rôle des musiciens de Silhouette ! Me concernant je ne me focalise pas nécessairement sur les origines des groupes, j’écoute pas mal de projets français mais également étrangers. Pour Silhouette, au niveau du chant, je vais m’inspirer de projets émotionnellement forts comme la vague screamo/post-hardcore, avec Envy, Amenra, Converge ou même Birds In Row. Pas tellement de black metal car c’est un style qui se répète énormément à mon humble avis. Même s’il y a des chanteurs très bons, le style a toujours eu tendance à mettre le chant de côté et c’est dommage. Mais comme a dit Achlys, nous avons des influences plus post-metal et parfois quelques projets expérimentaux « minimalistes » comme God Speed You Black Emperor ou même des BO très ambient.
Le parallèle avec le cinéma est important aussi, car Achlys et moi y sommes très sensibles ! J’apprécie beaucoup les œuvres de Lynch et de Bergman, je trouve que « Le septième sceau » ou « Persona » ont quelque chose de « Silhouettien », ha ha !
« Pour Silhouette, au niveau du chant, je vais m’inspirer de projets émotionnellement forts comme la vague screamo/post-hardcore, avec Envy, Amenra, Converge ou même Birds In Row. » Yharnam
● Votre musique est un subtil mélange de post-black metal avec des éléments folk. Comment abordez-vous l’équilibre entre ces influences diverses dans vos compositions ?
Achlys : Effectivement, le centre du projet se veut être un contraste entre des moments intenses, violents et des atmosphères très « ambient » et plus posées. C’est un équilibre parfois assez complexe à trouver parce qu’il porte à lui seul toute les dynamiques des morceaux. Pour les passages « ambient », je m’inspire beaucoup de Vildhjarta, un projet de metal moderne/djent et Amenra qui arrivent je trouve à très bien réaliser ce type d’atmosphères éthérées.
Pour venir contrebalancer ces passages plus calmes, je reviens toujours à des choses plus « crues » qui vont venir saisir l’auditeur et le sortir d’une certaine torpeur.
Cela me vient assez naturellement, j’évite de trop réfléchir quand je compose afin de rester dans la spontanéité du moment qui me donne justement envie de prendre la guitare et d’exorciser une émotion qui me traverse.
« (…) le centre du projet se veut être un contraste entre des moments intenses, violents et des atmosphères très « ambient » et plus posées. » Achlys
● Pouvez-vous nous en dire plus sur les thèmes introspectifs et conceptuels derrière votre EP « Les Retranchements » ?
Achlys : J’ai tendance à voir les albums des groupes comme des photographies de ce qu’ils sont à un instant donné. Cet EP, c’est un peu pour nous la première « photographie » du projet. Les compositions instrumentales étaient pour beaucoup d’entre-elles, déjà présentes avant que tous les membres soient réunis au sein du groupe. J’avais exprimé à Ondine et Yharnam ce que j’avais envie de dire à travers Silhouette et les rêves que je pouvais faire plus jeune. Ils s’en sont saisis rapidement et ont proposé leur interprétation en apportant leurs expériences de vie personnelles.
« Les Retranchements » n’aborde pas nécessairement une thématique très précise, il vient poser des mots sur des ressentis assez bruts comme le froid ou l’ambiance brumeuse de l’hiver (« La Première Neige ») ou encore des peurs enfouies comme celle d’un jour disparaître et de ne laisser que d’éphémères fragments derrière nous (« Au seuil de l’Oubli »).
Yharnam : Je suis arrivé en 2020 dans le projet et l’EP était déjà bien entamé, je me suis donc très vite adapté pour pouvoir concrétiser « Les Retranchements ». Comme l’a souligné Achlys, l’EP n’a pas un concept précis comme l’album, mais Ondine et moi avions déjà en tête un voyage, un voyage mental même ! Nous voulions nous inspirer des trois premiers albums de Ulver qui suivaient une même histoire. Nous avons également les prémices de ce qu’allait devenir « Les Dires de l’Âme » avec quelques lyrics comme : « un somptueux sommeil » (« Au Seuil de l’Oubli »). « Au seuil de l’Oubli » avait également un sous texte en lien avec l’addiction, dont l’alcoolisme.
« Comme l’a souligné Achlys, l’EP n’a pas un concept précis comme l’album, mais Ondine et
moi avions déjà en tête un voyage, un voyage mental même ! » Yharnam
● « Les Dires de l’Âme » est donc votre premier album. Comment s’est passé sa conception ?
Achlys : Durant la sortie de l’EP « Les Retranchements », j’ai assez rapidement réfléchi à une suite. Je savais déjà que je souhaitais quelque chose d’assez différent, plus direct et plus impactant. Le premier changement est d’avoir souhaité composer sur des guitares sept cordes permettant un accès à des riffs plus mordants et massifs. Je pense que je souhaitais m’éloigner du black metal atmosphérique et revenir comme je l’ai mentionné plus haut à mes premiers amours musicaux comme le post hardcore, le post metal et le screamo.
Même si ce changement « matériel » peut sembler anecdotique, cela donnait une toute autre ambiance aux compositions qui se profilaient. En parallèle, Yharnam et Ondine se sont vus plusieurs fois pour commencer à développer la démarche artistique et les thématiques qui pourraient être exploitées dans l’album. Ils se sont rendus compte qu’ils avaient des expériences particulières et communes sur le sommeil notamment à travers des paralysies du sommeil ou d’autres phénomènes assez singuliers.
De ces nouvelles sonorités et discussions, cet album s’est construit autour du thème des songes, de leur portée, parfois leur violence mais surtout sur ce qu’ils peuvent exprimer de nous et de comment nous percevons l’existence et la réalité.
Comme sur l’EP, nous tenons à conserver le maximum d’autonomie et de maîtrise sur notre direction artistique. Nous avons donc une fois les musiques composées et les textes écrits, enregistré chez moi courant 2023 et sur une assez longue période pour pouvoir trouver les meilleures idées et les arrangements qui nous semblaient les plus à propos.
Nous avons ensuite envoyé les pistes à Frédéric Gervais du studio Henosis qui s’est chargé du reamping, du mixage et du mastering tout en apportant sa touche à pas mal de morceaux notamment à travers les idées et conseils qu’il a soumis au groupe.
« De ces nouvelles sonorités et discussions, cet album s’est construit autour du thème des
songes, de leur portée, parfois leur violence mais surtout sur ce qu’ils peuvent exprimer de
nous et de comment nous percevons l’existence et la réalité. » Achlys
Yharnam : Ce thème était important pour moi car je fais, depuis longtemps et de manière fréquente, des paralysies du sommeil. Un phénomène qui peut-être expliqué cliniquement mais qui a toujours été surréaliste me concernant. L’impression que mon subconscient m’envoie des signes ou des énigmes ! Avec Ondine nous avions validé cette thématique, et ce qui est intéressant c’est que même si nous avons eu des expériences similaires, elles étaient totalement différentes. Ondine semblait ressentir une sortie de corps, quelque chose de plus doux, à l’image de la pochette qu’elle a réalisée. La mienne est moins sympathique, je suis majoritairement inerte, incapable d’ouvrir les yeux, (du moins ils se révulsent) et je suffoque. J’ai l’impression d’être une âme piégée dans un corps sans vie. Ça m’a beaucoup questionné sur l’état de la mort mais aussi à propos des personnes « possédés » à l’époque, qui étaient peut-être juste des gens qui souffraient de paralysie du sommeil. Le célèbre tableau « Le Cauchemar » de Füssli fait écho à ce phénomène, pour vous donner une idée !
« J’ai l’impression d’être une âme piégée dans un corps sans vie. » Yharnam
● On retrouve tout au long de l’album ainsi que dans votre clip L’Éveil des thématiques et éléments chevaleresques. Cela figure-t-il parmi vos inspirations ? Quels sont les autres thèmes qui peuvent vous inspirer ?
Achlys : Pour comprendre ce clip, je vais redonner quelques éléments de contexte. Nous cherchions avec Yharnam, sans idée précise, à mettre en images un morceau de l’album à venir. Étant tous deux fans de cinéma et de belles expériences cinématographiques, nous ne souhaitions pas réaliser un clip dans lequel les membres joueraient le morceau mais plutôt de proposer une histoire onirique et complète. Suite à ces discussions, c’est Manon Maurin, une amie proche, qui nous a conseillé de faire appel au Collectif nantais « Les Furtifs », après nous avoir montré leur travail. Nous avons rapidement été saisis des images et de l’attention portée à la cohérence visuelle de leurs métrages.
J’ai donc contacté Mathias Averty qui connaissait déjà le projet depuis l’EP et qui a été emballé par l’idée. De là, a découlé un travail de longue haleine de plusieurs mois pour écrire le scénario, repérer et décider des lieux de tournage et réunir une équipe pour capturer les images et les monter.
L’idée de ce clip était d’aborder les thématiques oniriques de Silhouette à travers le prisme de la peur et de la nécessité que l’on doit avoir à la dépasser pour s’accomplir.
C’est en discutant du concept autour de la silhouette et de la peur que Mathias a eu l’idée de diviser ce court métrage en plusieurs séquences mettant en scène ses propres peurs d’enfant : la guerre, la mort, la maladie. Il a pu en quelque sorte à travers ce projet directement exprimer ce qu’il avait au fond de lui.
Les images chevaleresques auxquelles vous faîtes référence sont sûrement celles de la princesse malade et mourante dans les bras du Roi. Symbole de la fin d’une lignée, de la perte et de la disparition de l’être aimé, qui sont des thématiques que nous abordons de manière plus discrète au sein de l’album et qui ont même donné naissance à Silhouette !
Yharnam : Les éléments chevaleresques ne sont pas nécessairement nos inspirations ! Disons que le symbole du sacré et de l’architecture européenne reviennent très souvent, mais c’est plus par question de goût et de symbolisme que par thématique pure. Nous pouvons jouer avec des termes et des coutumes, mais nous ne parlons jamais d’époque médiévale précisément.
« L’idée de ce clip était d’aborder les thématiques oniriques de Silhouette à travers le prisme
de la peur et de la nécessité que l’on doit avoir à la dépasser pour s’accomplir. » Achlys
● Nous trouvons que vos titres sont d’une grande poésie ! Votre travail serait-il également inspiré par des poètes ? En lisez-vous ?
Achlys : De poésie et de littérature en général ! Ondine s’est beaucoup inspiré de poètes et d’auteurs, il y a notamment un clin d’œil à Victor Hugo sur l’EP. C’est également en lisant « Le Horla » de Guy de Maupassant que Yharnam a cristallisé ses envies de parler de paralysies du sommeil. À travers Silhouette c’est toute la notion de l’indicible que nous tentons d’exprimer. Pas nécessairement celle de Lovecraft mais plus de ces choses dont on ne peut comprendre le sens, les formes mais qui sont pourtant bien présentes au sein de nos songes et nous-mêmes.
Yharnam : Merci beaucoup ! Alors oui nous avons quelques références classiques de la littérature française comme Verlaine, Rimbaud, Baudelaire etc… Mais j’évite de trop m’en inspirer, ils sont bien trop repris dans la sphère black metal et ces poètes se font piller comme Gustave Doré avec ses gravures. « Le Horla » de Maupassant a été un élément déclencheur mais aussi Edgar Allan Poe, avec quelques nouvelles de sa part, notamment une qui se nomme sobrement « Catalepsie ».
« Le Horla de Maupassant a été un élément déclencheur mais aussi Edgar Allan Poe, avec quelques nouvelles de sa part, notamment une qui se nomme sobrement Catalepsie. » Yharnam
● Le morceau Litanie contre la peur emprunte un bon nombre de termes et de références religieuses. Le morceau est-il un chant contre le diable ? S’inscrit-il dans une mouvance, à rebours des termes plus classiques du black metal qui sont souvent satanique ? Pourriez-vous nous en dire plus sur le sens de ce morceau ?
Yharnam : La Litanie contre la peur est principalement dédiée à « Dune » de Frank Herbert, elle est récitée par les Bene Gesserit. Au moment de l'écriture de l'album, j'étais plongé dans les différents romans de cette saga, et j'ai été énormément influencé par ses sujets. Particulièrement cette philosophie qui traite de la peur et du contrôle de soi. Je me suis inspiré de cela et je l'ai ajusté en fonction de ma vision personnelle de la paralysie du sommeil. En d'autres termes, lorsque nous avons fréquemment des paralysies, je crois que nous essayons de maîtriser cette peur. Nous sommes conscients que même si nous sommes pris de panique, nous allons finir par nous réveiller. L'objectif était également de transmettre un message positif lors de ce voyage onirique. Le stoïcisme favorise une réflexion plus profonde, une action plus logique et une libération de l'emprise mentale. Néanmoins, ton analyse est intéressante, car l'utilisation de la litanie contre la peur dans Dune est d'ordre religieux !
● Par ailleurs, est-ce que cette chanson est un clin d'œil au titre éponyme de TOOL ?
Yharnam : Du coup non ! Je n’étais même pas au courant qu’ils avaient réalisé un morceau avec ce titre. Je l’ai découvert que très récemment.
“Je suis d’ailleurs
De marbre décomposé
Mes blessures à vif
Ne se refermeront jamais
De marbre ouvert”
● Ce passage de Dysthymie est-il un parallèle entre le sentiment d’inadéquation et de décalage avec le monde et la mort ? Ou bien l’impression d’être déjà mort ?
Yharnam : Ce n’était pas mon intention initiale, mais je comprends cette interprétation, le marbre pouvant évoquer une pierre tombale. Lors de l’élaboration de ce texte, j’étais avec Achlys, qui imaginait un corps en marbre brisé. La symbolique était puissante et bien plus poétique que de simples cicatrices. Le marbre, figé et blessé, incarne avec ses fissures, des fragments de souvenirs. C’était donc une manière un peu romantique de représenter les traumatismes, les démons intérieurs et toutes ces choses qui persistent malgré le désir d’oublier. La dysthymie était importante pour Achlys, cette « petite » déprime, ce coup de blues comme j’aime l’appeler. Un moment morose où l’on se perd dans nos pensées quand nous sommes seuls.
● Souhaiteriez-vous à l’avenir effectuer des collaborations ? Si oui, avec qui ?
Yharnam : Nous avons déjà eu la chance de collaborer avec plusieurs artistes sur cet album ! Raphaël Verguin a joué du violoncelle sur « Litanie contre la peur », et Olivier Dubuc, du groupe Maudits, a composé des parties de guitare pour le morceau « Les Dires de L'Âme ». D'ailleurs, Maudits a sorti un superbe album en 2024, que je vous recommande vivement si vous aimez les projets instrumentaux post-rock.
Pour répondre à ta question, nous sommes tout à fait ouverts aux collaborations ! Il y a beaucoup d’artistes que nous apprécions, mais il est important que la participation soit pertinente. Il faut que cela corresponde au concept, à l’ambiance du projet et que cela ait du sens. Je n’ai pas d’idée précise pour l’instant ; en général, cela se fait de manière assez spontanée, en fonction des disponibilités.
● Quels sont vos projets pour l’avenir ? Aura-t-on l’occasion de vous voir sur scène prochainement ?
Yharnam : Nous allons avoir prochainement deux dates avec nos amis de Houle, le 11 et 12 Octobre (Lyon et Bordeaux). Nous souhaitons défendre l’album avec des concerts en 2025, je ne peux rien affirmer pour l’instant. En parallèle, le groupe est accompagné à la Paloma de Nîmes par Jérémie Violet et Adrien Tirel, que nous remercions énormément pour le temps qu’ils prennent à faire grandir Silhouette scéniquement !
● Qu’écoutez-vous en ce moment ?
Yharnam : En ce moment je découvre la discographie de Dälek, un projet de hip-hop aux instru distordus. C’est un mélange entre Blut Aus Nord, Godflesh et Ice Cube. Sur le papier c’est très étrange mais c’est super intéressant. J’ai également réécouté un peu Björk, mais aussi le dernier album de Spectral Wound et Molchat Doma. C’est un peu le bazar dans ma playlist ha ha !
Achlys : De mon côté, j’écoute beaucoup BB Jacques, un jeune rappeur français avec une direction artistique de dingue ! Je suis fan de ses instrus très vintage et une ambiance assez « lounge » ou mafieuse. Pour revenir à la musique extrême, j’écoute en boucle pas mal de groupes comme Knocked Loose, Godspeedyou! Black Emperor ou encore Brutus, un projet qui n’est plus à présenter tant il a explosé. Un mélange de post-harcore et de post-rock avec une chanteuse/batteuse vraiment exceptionnelle.
● Nous arrivons à la fin de cette interview. Avez-vous un message pour les lecteurs de Métalleux de France ?
Yharnam : Merci à vous pour cette invitation et j’espère que nos réponses vous apporteront des éclaircissements sur Silhouette. On se retrouve le 20 Octobre pour sombrer dans le songe des dires de l’âme.
Achlys : Merci à vous de nous permettre de développer l’univers lié à notre musique et à celles et ceux qui nous soutiennent et nous écoutent. J’espère que Silhouette pourra accompagner vos moments les plus lourds, comme les plus lumineux.
Un grand merci à vous !
Interview par Anna Grésillon & Garance Ameline