8/6/2023

Stormhaven, puissance et sérénité

Stormhaven, groupe de death prog originaire de Toulouse, a sorti en ce début d'année 2023 son quatrième album, Blindsight. Cet opus est une preuve de plus de l'incroyable qualité de la formation. Alternant force et douceur, il nous emmène aux grés des aventures de son protagoniste à travers des paysages sonores variés et envoûtants. Nous avons eu la joie de rencontrer Zach, le chanteur, qui nous en dit un peu plus sur l'album et les projets du groupe.

Donc, le groupe est né en 2010

C’est bien ça.

Avec un petit changement de line-up en 2021.

Tout à fait.

Lié au Covid ou pas ? Parce que beaucoup de groupes ont connu des changements de line-up à ce moment-là…

À la fois oui et non, c’était dû surtout à des reconversions professionnelles, alors je ne sais pas si c’est lié directement au Covid… peut-être un peu. On a dans un premier temps le batteur qui a bougé et ça devenait un peu loin, et puis un peu pareil pour le claviériste qui justement est remonté sur Paris pour reprendre ses études, et vu qu’on est sur Toulouse pour répéter le week-end c’était pas évident.

Du coup avant vous étiez deux à chanter et maintenant il n’y a plus que toi ?

Eh bien, Régis a quand même enregistré ses parties sur l’album, d’autant que c’était un membre fondateur, donc on voulait qu’il mène à bout le projet, et puis là, en live, je fais quasiment tout. Là y a le bassiste, Jo, qui commence à filer un petit coup de main, mais ça devient plus moi qui prend quasiment tout avec Jo qui fait quelques chœurs, plus que réellement une espèce de partage des rôles comme on avait avant.

D’accord. Donc vous ne cherchez pas spécialement quelqu’un en plus…

C’est compliqué. Régis avait beaucoup de place dans le groupe, autant par le clavier que par le chant, du coup c’est vrai que pour trouver un remplaçant, même psychologiquement, quelqu’un qui revient et qui prend autant de place, c’est pas évident de mon point de vue. Déjà là, on a Julien qui assure très bien les parties de clavier, c’est déjà bien, et on va voir, on se laisse un peu de marge de manœuvre, on verra où ça nous mène…

Le nom du groupe vient de The Elder Scrolls ou pas du tout ?

[Rires] Non ! Et même à l’époque quand on avait fait des recherches on avait vu qu’il y avait un refuge canin au Québec qui s’appelait Storm Haven, mais il n’y avait pas de groupe encore à l’époque. Non, c’est pas directement lié à ça. Je cherchais un nom qui faisait un peu dur à cuire mais aussi mélodieux à la fois…

Donc vous n’êtes pas spécialement des gamers…

Non. Enfin, si, dans une autre vie, si j’avais le temps, peut-être…

Parce que vous avez un morceau aussi qui s’appelle Hellion sur l’album, qui est le nom aussi d’un personnage de jeu… entre autre.

Ah merde [Rires] ! Bon, c’est bien si on peut aller choper des fans, mais c’est pas une référence directe.

Bon, on sait jamais !

On sait jamais, c’est vrai que ça commence à faire beaucoup de coïncidences [Rires].

Donc là ça fait quatre albums, des albums concepts la plupart du temps, ou en tout cas avec une histoire. C’est important pour vous de raconter vraiment des histoires, qu’il y ait une sorte de cohérence dans l’album ?

En tout cas moi c’est comme ça que j’aime écouter la musique. Dans le monde du metal, certains prennent peut-être un peu ça pour acquis d’écouter un album en entier, mais c’est comme ça que je le vois. Quand on regarde un film, on ne regarde pas qu’une partie, on regarde du début à la fin, et du coup j’aime bien l’idée de suivre quelque chose, cela donne peut-être une dimension supplémentaire plutôt que juste un enchaînement de chansons. Donc c’est vrai que j’aime bien garder ce principe-là sur les albums.

C’est vrai que les quatre albums ont quand même un univers bien spécifique, même si on reconnaît la « patte » de Stormhaven, à l’écoute il y quelque chose de différent à chaque fois.

En tout cas, pour moi, quand je me les remémore, comme pour tout il y a des stades différents dans nos vies, des stades différents dans notre maîtrise de l’enregistrement et dans le fait de mettre sur album nos idées, et je pense que l’on ressent ça aussi. Ça donne un son différent, surtout qu’on teste des trucs différents à chaque fois.

Donc le dernier album parle d’un personnage qui perd la vue accidentellement et qui développe des visions, une sorte de héros Marvel en plus dark ? [Rires]

C’est vrai que c’est un peu geek tout ça. Mais c’est ça, dans le fond, avec peut-être une dimension un poil plus introspective, un poil plus mystique. C’est du moins comme ça que je le vois. Mais sinon c’est ça. On poursuit tout au long de l’album sur les différents paysages qu’il traverse et les différents personnages qu’il rencontre.

Les paroles sont toujours en anglais, c’est pour des questions de sonorités, comment s’est fait le choix ?

Alors moi à la base je suis bilingue donc du coup je me suis pas trop posé de questions, ça me semblait naturel que ça se passe en anglais, et d’ailleurs c’est dur d’écrire en français. En anglais, c’est plus facile, même d’un point de vue pratique de sonorités des mots. Donc c’est venu assez naturellement, je me suis pas trop posé la question pour ça.

Vous êtes classés dans le prog, et pour moi je dirais le bon prog [Rires] : vos morceaux sont super riches, il y a plein de styles, d’influences mais le tout s’enchaîne toujours de manière super fluide, c’est facile à écouter, pas dans un sens négatif mais au contraire, dans le sens que tout passe directement bien à l’oreille, on n’a pas cette impression de « collage » comme avec certains groupes avec des passages qui sortent un peu de nulle part… Comment se passe la composition ? Qui fait quoi ?

Alors, la plupart du temps, c’est moi qui propose un morceau on va dire, les autres retravaillent derrière, ils ont leur mot à dire : « ça c’est cool, ça c’est naze », on réajuste, et une fois que c’est à peu près fixé on le teste, puis je pose des paroles par-dessus. Avec la répétition de la chose je vois où ça nous mène, j’essaie de voir ce que je peux raconter dessus. Et plus le temps passe plus je vais avoir tendance à proposer plusieurs morceaux à la fois, ou si je peux limite tout l’album, comme ça on part sur une base un peu prédéfinie et y a très peu de manips à refaire derrière. Mais je vois très bien ce que tu veux dire, y a beaucoup de groupes où ça part dans tous les sens et c’est pas trop notre délire, je pense pas qu’on prenne ce virage un jour.

Donc le premier extrait de l’album c’est Fracture, comment s’est fait le choix, pourquoi est-ce que vous avez pris celui-là spécifiquement ?

On trouvait pour ce titre que ça représentait à la fois bien l’album et peut-être que ça englobait bien Stormhaven dans son intégralité, c’est-à-dire qu’on est quand même un groupe à penchant death, rentre-dedans, et prog. Malgré tout, on a vraiment les deux aspects sans qu'il ne manque l’un des deux, comme on a pu faire sur le clip de Tides qu’on a fait y a quelques années, où c’était un peu par défaut vu que c’était le morceau le plus court de l’album, on ne savait pas trop quoi faire… si c’était à refaire je prendrais un autre morceau plus représentatif où on a vraiment toute la palette de ce qu’on peut proposer.

Oui parce que là c’est vrai que le morceau attaque bien bourrin, puis après y a un passage plus calme, puis ça remonte en puissance, donc en a réellement qu’on a toutes les facettes. Avec en plus une fin absolument géniale…. Le mixage a été fait par Fredrik Nordström, à Göteborg, au studio Fredman…

Oui, le mix et le master. Pour l’enregistrement, grosso modo, on s’est débrouillés. Et puis on est malheureusement pas allés sur place le voir mais on lui a tout envoyé, on a expliqué un peu le son qu’on voulait et puis il a opéré sa magie et il nous a pondu ça.

C’est un studio d’où sont sorties de grosses références, des albums super marquants, toi y en a un en particulier que tu apprécies ?

Dans ce qu’il a pu produire ? C’est vrai que moi je suis resté sur quelque chose qu’il a produit il y a pas longtemps, sur le dernier Obscura, ce n’est pas tout à fait notre style… mais je suis resté sur la prod, en tout cas à l’époque je l’avais repéré comme un candidat potentiel vers qui on pourrait se tourner pour notre musique en fait. Je trouve d’ailleurs qu’il nous a bien cernés dans quelques chose d’à la fois moderne et old school, il a trouvé un bon équilibre.

Au niveau des pochettes on a souvent un petit mélange entre mythologie et science-fiction. Est-ce que c’est la même personne qui a fait les diverses pochettes ou c’est quelqu’un d’autre à chaque fois ?

On a eu trois graphistes. Là on a pris quelqu’un de nouveau pour cet album. On avait Vincent Fouquet qui nous a fait les deux derniers albums et qui a fait un super travail. Là on voulait explorer un peu autre chose, voir ce qui était possible. On a trouvé Remedy Art Design, c’est un artiste grec que j’ai contacté parce que j’ai vu un peu ce qu’il faisait, j’ai vu son travail pour Evergrey et quelques autres groupes et je me suis dit… C’est ce que tu viens de dire, il a un côté mythologie, mais aussi un peu fantastique et également un peu, j’irais pas jusqu’à dire "dessin" mais, le côté peut-être un peu geek, un peu jeux également, il mélange un peu tout ça pour donner un résultat plutôt sympa.

Oui, là y a un côté aussi assez organique avec le rouge, etc. C’est quoi pour vous la symbolique de cette pochette, qu’est-ce que ça représente ?

Sur la pochette on a notre fameux personnage au milieu…

Daredevil… [Rires]

Oh putain ! [Rires] Quand on le voit de loin il a peut-être les deux petites cornes [Rires]. D’ailleurs il a fait la pochette rien qu’avec les paroles, avec zéro musique, et je trouve qu’il a très très bien cerné le truc du personnage au centre de l’histoire qui justement subit des choses, qui voyage un peu partout, que ce soit dans son esprit ou physiquement… avec la planète, les yeux un peu partout, les grandes statues qui donnent ce côté peut-être un peu épique à la chose. Après, le choix de couleurs, c’était le sien, je trouve que c’est plutôt réussi, on a le rouge qui fait sanglant mais pas trop non plus, ça fait pas trop black metal ou pas trop Cannibal Corpse non plus, ça va. Il a vraiment bien bossé, on est très contents !

Jusqu’à cet album, vous aviez sorti très peu de vidéos, c’était par choix ou pour des raisons de budget peut-être ?

Pour être honnête, jusque-là on a pas été les meilleurs en comm’ en fait, on s’est motivés pour notre troisième album seulement, et puis là on s’est dit qu’avec Blindsight on allait enfin se prendre en main, essayer de pousser le projet jusqu’au bout, donc là normalement on a prévu quatre vidéos pour cet album, je pense que c’est aussi pour se rattraper un peu peut-être de ce qu’on a pas fait avant quoi.

Oui, là on sera sur quasiment tout l’album… [Rires]

Quasiment ! Bon je vous le dis, c’est pas un scoop, on n’a rien prévu pour la dernière… [Rires] [N.d.A., le titre dure plus de 24 minutes]

Non ? Mince alors ! [Rires]

Ça pourrait être un court-métrage, mais c’est pas le but du jeu, mais à part ça on a presque prévu pour toutes les autres du coup, au final.

Vous êtes originaires de Toulouse, et j’ai l’impression que la scène metal toulousaine est assez active…

Y a pas mal de choses, y a pas mal d’orga sur place, comme Noiser, SPM et pas mal de styles représentés. Je pense qu’il y a pratiquement tous les styles, peut-être un peu moins de thrash, où ça tourne moins de manière générale, avec moins de concerts, mais je pense que c’est à peu près partout pareil. On a une scène grâce à ces structures qui est assez vivante, donc c’est plutôt cool. En moyenne y a deux-trois concerts de metal par semaine.

Sur les dates passées, il y en avait bien sûr beaucoup à Toulouse mais aussi en France, et j’ai vu que l’année prochaine il y en avait une en Espagne de prévue. Ce sera la première à l’étranger ?

La deuxième, on a pu jouer il y a quelques années à Barcelone, on avait fait un échange de dates avec un groupe de prog de là-bas, et le but avec cet album ça va être pour cette fin d’année et l’année prochaine de trouver des dates un peu plus loin que ce qu’on a pu faire jusque-là.

Y a une envie de tourner…

Un peu plus. Après, c’est un peu dans nos caractères dans le groupe, on est un peu méfiants, et il suffit de faire 2-3 dates où il n’y a personne et on se retrouve vite dans le rouge financièrement au final. Très très vite. Donc on a toujours eu cette peur et là on se dit « tant pis, on y va, on essaye d’y croire » !

Et si vous aviez le choix d’ouvrir pour un autre groupe, ce serait qui votre rêve absolu ? Tout est possible !

Oh… bon moi je dirais Opeth.

Oui, c’est assez cohérent…

Déjà, c’est Opeth, et je pense que leur public adhérerait sans trop de problème, c’est aussi pour ça.

Oui, bien sûr.

J’espère, en tout cas. Le Opeth de nos jours est peut-être un peu plus posé mais si je pouvais tourner avec le Opeth de l’époque ! [Rires] Voilà, s’il fallait choisir, mais c’est évident…

Est-ce que vous avez déjà tenté des tremplins ou des choses dans ce genre, par exemple pour le Hellfest ou le Wacken ?

Non, il me semble qu’on avait fait le Voice of Hell il y a trois ou quatre ans mais c’est vrai que les tremplins où on est amenés à faire de la comm’, le fait d’appeler les copains à voter pour nous, tout ça, on est toujours un peu partagés. Faire de la comm’ du style « écoutez notre musique », oui, mais supplier les gens de voter pour nous, on éprouve une certaine gêne, même si certains groupes ne l’ont pas… peut-être que l’an prochain on ne l’aura plus et on tentera ! Peut-être que l’an prochain on visera des fests un peu moins grands mais qui nous correspondent peut-être un peu plus. Bon, après, le Wacken, ça reste une belle date, si on y joue ce serait génial.

Oui, ça pourrait être sympa… [Rires]

Qui sait, si on arrive à s’organiser, pourquoi pas ! [Rires]

Pour terminer, est-ce que tu as un scoop, une exclue pour Metalleux de France ?

Oh là là ! Je n’ai rien de croustillant qui me vienne pour le moment…

Ta recette préférée peut-être ?

Du blanc de poulet, c’est pas très passionnant [Rires]. Non mais c’est vrai que là on se focalise beaucoup sur la release qui est déjà un énorme travail en soi, et sinon d’un point de vue plus personnel, vu que j’endosse quasiment tout le chant, je redécouvre un peu le rôle aussi. Jusque-là avec Régis, on était deux à mener le truc, donc c’est pas pareil… En tout cas je suis focus là-dessus et puis ensuite, on verra, il faut que ça marche comme ça déjà !

Eh bien c’est tout ce qu’on vous souhaite !


Un énorme merci à Zach et à l’ensemble de Stormhaven, ainsi qu’à Roger Wessier de WTPI d’avoir organisé cet entretien.

Orsola G.

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