4/3/2024

Fever 333 - A propos de rock survolté et engagé...

Je vous avoue avoir fait le voyage depuis le Sud-Ouest uniquement pour Fever 333. Mais je savais que j'allais profiter d'un plateau riche de diversité musicale !

C'est dans la sublime salle du TRIANON qu'a eu lieu cette soirée plutôt mémorable. Ce théâtre à l’italienne de 1894, est un vrai melting pot architectural : une façade inspirée du Trianon de Versailles, un style Napoléon III à l’intérieur, mais utilisant des structures métalliques Eiffel…  En arrivant, j’ai complètement bloqué sur les moulures du plafond et au-dessus de la scène. Le lieu est magnifique !

Je me suis baladée partout ^^ J’ai dansé dans le crowd et suis passée sous les alcôves pendant Blackout Problems. J’ai été écrasée tout devant pendant Fever 333, pogotant et hurlant « Stand up or die on your knees » sur un plancher qui rebondissait comme un trampoline, tellement les gens étaient à fond ! Et j’ai profité de l’espace du 1er balcon pour danser à mon aise pendant le set d’Enter Shikari.

Alors je ne vais pas parler des groupes dans L’ORDRE DU LINE UP, et je ne vais pas parler que musique. Je pense que ce plateau est un peu spécial et certaines choses méritent d’être traitées différemment.

ENTER SHIKARI

Un line up qui sort de l’ordinaire donc, à commencer par ENTER SHIKARI, qui couvre un registre très large. Et c’est sans doute ça qui a suscité mon intérêt. Depuis plus de 20 ans, les britanniques travaillent un répertoire qui fusionne post-hardcore, nu metal, pop rock, punk, electro dubstep, allant jusqu’à la drum’n bass. On peut clairement sentir la maîtrise des instru et de la maturité dans la composition des morceaux.

Les textes sont explicites de l’engagement du groupe, comme ils le montrent ouvertement depuis l’album Common Dreads sorti en 2009. Enter Shikari avait alors assis son identité musicale expérimentale, et évolué vers une orientation idéologique contre les excès du capitalisme, exprimant les sentiments de frustration et d’impuissance face aux manipulations du pouvoir.

Le groupe est d’ailleurs adepte du mouvement Zeitgeist qui explique que notre structure sociale est obsolète et qu’elle doit trouver des nouvelles solutions pour construire un monde durable. Enter Shikari s’inspire de cette pensée pour écrire ses textes et ses compositions, sortant ainsi de toute convention musicale établie. C’est pour cela que chaque morceau, même si l’on connait le style du groupe, et qu’ils entrelacent des références aux albums précédents, est systématiquement une surprise instrumentale ! On ressent une perpétuelle volonté d’évolution musicale.

Et sur scène, le show est complet. Les lights et projections vidéo jouent avec les thématiques, les samples utilisés donnent une ampleur qui vous prend au bide. La trompette jouée par Rou Reynolds ou encore les guitares en down tune donnent une atmosphère émotionnelle particulière. Et soudain tout s’accélère et tout explose en feu d’artifice de beats, de refrains chantés par tout le public. Jailbreak notamment fut magistral. Je mentionne également le magnifique solo chant/guitare de Rou en intro de Gap in the Fence, dont la voix vous prend littéralement par les sentiments.

Ok Enter Shikari, vous m’avez complètement convaincue !

Ceci dit, j’aimerais quand même finir en remarquant que malgré des textes parfois sombres, le message, sujet du dernier album sorti en 2023, est beau et plein d’amour : « One last Kiss… This kiss for the whole world ». Merci à vous, Enter Shikari.

Vous l’avez compris la grande thématique qui réunit ce line up porte, à travers la musique, sur la considération du monde actuel.

BLACKOUT PROBLEMS

Blackout Problems, qui a brillamment ouvert ce concert en tout début de soirée, pose aussi son engagement, à sa manière. Les propos du groupe allemand nous suggèrent, avec simplicité, de jeter un regard sur notre société et remettre en question ce qui ne va pas.

Outre le fait de soutenir Sea Sheperd et d’avoir joué pour la grève mondiale « Fridays for future » 2023 à Munich, leurs morceaux parlent de manipulation internet, des victimes de guerres, du sentiment grandissant de se sentir complètement décalé du système, mais aussi d’évolution personnelle et des méandres psychologiques humaines.

Ils ont créé une communauté, la Clique, pour laquelle ils publient des tracks unrealised, permettant une réelle immersion dans leur travail de composition. Leur but est d’être plus indépendant, et de créer du contenu qui ne dépende pas d’un algorithme.

Sur scène ce soir, c’est avec un enthousiasme survolté que Blackout Problems distille ses riffs de pop rock alternatif. Et on comprend très vite que derrière les ressentiments les textes évoquent la compassion, le respect et l’amour entre les individus.

Le beat est marqué, les lignes subtiles d’électro soutiennent avec efficacité les guitares et on a envie de chanter tous les refrains avec eux en pogotant. L’énergie est là, et c’est sans surprise, quand le chanteur Mario quitte la scène, qu’on le retrouve 1mn plus tard perché sur le 1er balcon, invitant le public à chanter et danser avec lui.

En tout cas, c’est une très belle annonce de ce qui nous attend avec le groupe d’après…

Bien sûr qu’en voyant la configuration du Trianon, on sait tous qu’on va avoir droit à front flip du leader de Fever 333 pendant sa prestation scénique ;)

Et quelle prestation !

FEVER 333

Je vais être très claire, vous avez beau savoir à quoi vous attendre avec FEVER 333 en live, vous vous en prendrez quand même plein la tronche ! C'est électrique, puissant. A la fin du concert, vous n'avez pas eu le temps de réaliser ce qu’il vient de se passer, et vous en redemandez !!!

Why it matters : Fever 333 est bien plus qu'un simple groupe. C'est un projet à part entière. Son symbole : une Black Panther. Ses lettres, les 3 C : Community, Charity, Change.  La communauté, c’est le fer de lance de Fever 333. Son chanteur et fondateur Jason Aalon Butler a dédié sa carrière à rassembler les gens qui aspirent au changement.

Il se tient en front man avec des textes clairement engagés contre l’exploitation humaine, le racisme, le sexisme, les brutalités et manipulations financières et politiques. Ce que Fever 333 fait, c'est parler de ce que beaucoup ressentent mais ont du mal à exprimer. Ce qu'il souhaite, c'est nous faire comprendre que nous ne sommes pas seuls, et qu'ensemble, nous pouvons changer la dynamique.

Toujours en quête d'évolution, Jason explique l’importance de s’investir, peu importe s'il ne voit pas le résultat final. "Car ce que nous faisons aujourd’hui est ce que nous lèguerons à la génération suivante."

Depuis Pressure Cracks et Letlive, il a clairement passé plusieurs steps. Jason scande des idées complètement assumées, toujours en gesticulant dans tous les sens, tel une furie lâchée en roue libre. Et on sait qu'une scène lui sera toujours trop exiguë pour les exprimer ^^

Très proche de son public, il se donne émotionnellement et physiquement, prêt à sauter de 3 amplis back empilés les uns sur les autres en un équilibre improbable, ou encore à escalader tout ce qu’il peut pour se jeter dans le public en screamant.

Forcément quand il se met à escalader le 1er balcon du Trianon, marcher en équilibre le long de la rambarde avant de sauter en front flip dans le crowd en criant "No you can't keep us !" (Under your thumb) toutes les mains sont levées pour lui assurer un safe crowd surfing. Et tout le monde crie avec lui.

Sur scène aussi tout est dingue. Les musiciens bougent de manière super énergique. Il se passe des choses de tous les côtés et si l’on détourne les yeux de l’un pour regarder l’autre, on sait qu’on loupe un truc !

La bassiste April Kae défend par sa seule présence l'icône même d'un rock débridé. Elle est souriante, dansante, et ultra présente. Une véritable Queen !

Avec le guitariste Brandon ils combinent des riffs joués super rapidement, chacun avec leurs influences individuelles, donnant à l’ensemble une dimension ultra rock, ultra groovy, aux attaques tranchantes. Le batteur Thomas est incroyable de techniques et de précision, pouvant enchainer une caisse claire jazzy avec des beats puissants et implacables.

Tout le monde a sa place sur scène. On peut ressentir l’effervescence de chacun, électrifiée par le rap core viscéral de Jason et ses cris qui vous prennent aux tripes, le tout avec une attitude totalement punk.

Plaisir que de voir joué “Ready Rock”. Le nouveau titre est un hommage et nous suggère d'aller voir et écouter les grandes figures et artistes noirs du passé qui sont la base de la culture rock actuelle.

C'est un avant-goût de ce qui nous attend avec le nouvel album : un travail aux instru complémentaires et riche d'influences. Et des textes ouverts, réflexions abouties d'une fièvre dont le groupe va nous contaminer, indubitablement.

Etre présent à un concert de Fever 333, c’est donc beaucoup plus qu’aller à un simple concert. C’est entrer au milieu d’un public remplit d’alliés, où on se sent humainement bienvenue. C’est se sentir soudain imprégné d’une force réellement palpable. Et l’énergie qui est transmise, on repart avec !

Je ne peux que leur dire merci, de ce qu’ils sont et font. Ça fait un bien fou !

Texte: Juliette Saturne
Photographie : François Capdeville
No items found.
No items found.
No items found.
No items found.
No items found.