8/6/2023

Expérience mystique avec Kadavar, Graveyard et Polymoon

Texte : Garance Ameline

Photo : François Capdeville

Kadavar

Ce dimanche 30 avril, une magnifique énergie vintage emplit la salle du Trabendo. Kadavar, Graveyard et Polymoon se sont réunis pour une tournée exceptionnelle et ont envoûté Paris à coups de riffs électriques, de synthétiseurs en apesanteur et de voix ensorcelantes. Métalleux de France a eu la chance couvrir cette date sold-out dans une salle de concert devenue le point de rendez-vous de tous les nostalgiques du rock psychédélique, des amoureux du classic rock et des enthousiastes du stoner. Accompagnée par mon collègue, acolyte et ami photographe François Capdeville, nous nous lançons dans une aventure aussi cosmique que psyché… Suivez-nous dans les méandres du rock.

Simon « Dragon » Bouteloup de Kadavar se confie à nous

Simon "Dragon" Bouteloup

L’aventure débute par l’interview de Simon Bouteloup, dit « Dragon », bassiste du groupe allemand Kadavar. Dès nos premiers échanges, Simon m’est apparu comme un personnage absolument brillant, fascinant et marquant, tout à fait à l’image de son groupe. Ce fut un véritable plaisir de l’écouter nous parler de son art. Si vous souhaitez découvrir l’univers de Kadavar, je vous invite fortement à regarder cette interview en vidéo sur notre chaîne Youtube. Elle donnera des clefs de compréhension pour saisir l’atmosphère de ce concert exceptionnel.

La nuit commence à tomber sur le Trabendo, le ciel s’assombrit et se pare d’un voile de nuages. À l’image de lucioles artificielles, les guirlandes de la terrasse s’allument et tels des papillons de nuit attirés par la lueur, les premiers spectateurs s’engouffrent dans la salle illuminée… C’est pour une nuit électrique et endiablée que nous embarquons. En suivant ce mouvement de foule, les yeux rivés sur la scène, l’attente devient difficilement soutenable, les bavardages bourdonnent autour de moi et une soif musicale me monte à la gorge.

Le lyrisme progressif et atmosphérique de Polymoon

Les lumières s’éteignent enfin, mettant fin au bourdonnement du public, l’air se charge de hâte et d’impatience. Les premiers accords résonnent sur scène et le groupe finlandais Polymoon, signé sur le label Robotor Records géré par Kadavar eux-mêmes, ouvre la soirée.

Polymoon

Les fans de rock progressif -dont je fais partie- ne peuvent que se réjouir de l’univers artistique de Polymoon. En explorant les horizons mélodiques du prog’, souvent connotés cérébral et mathématiques, ils rendent l’approche progressive lyrique et accessible. On laisse de côté l’interprétation intellectuelle et on écoute plutôt nos sens : plus question de se casser le crâne à compter les temps ou à analyser la science du rythme, il s’agit de se laisser planer en se concentrant sur notre ressenti émotionnel, à la manière du prog’ psychédélique de Pink Floyd. Le genre du rock progressif prend alors une dimension à la fois traditionnelle et nouvelle.

Polymoon

Polymoon ouvre majestueusement ce concert par la première chanson de leur album « Chrysalis ». « Crown Of The Universe » nous entraine dans une transe mélodique : le temps ralentit, la musique devient élastique, elle s’étend et s’intensifie, je ferme les yeux et j’embarque pour ce monde onirique… J’ouvre à nouveau mes yeux à l’écoute de « Wave Back to Confusion » et je me laisse porter par les effets cosmiques des synthés. Les musiciens adoptent un jeu de scène expressif et sincère, déconstruisant les clichés de la binarité du genre avec un look à la croisée des 70s et des 80s.

Polymoon

Avec « A Day in The Air », on explore des songes plus heavy et théâtraux, qui raviront les fans d’Opeth. On comprend alors que le jeu progressif et transgressif du groupe s’amuse avec les codes du prog’ pour produire un son multidimensionnel, flirtant avec les sonorités heavy, psychédéliques et atmosphériques. Malheureusement, une foule de marbre car peu réceptive, est venue court-circuiter leur voyage musical. Néanmoins, la qualité de la composition musicale et la franchise de leur approche vaudra au groupe, sans l’ombre d’un doute, de nouveaux fans français. Polymoon nous a offert un voyage émotionnel que l’on aurait voulu éterniser.

Après une telle découverte, il était difficile pour moi de quitter mon enthousiasme prog’. J’avais besoin de musique, et j’en avais besoin immédiatement. Une charmante retrouvaille mit mon mal en patience : Simon Bouteloup ! Quelle chaleureuse ambiance dans laquelle se mêlent librement musiciens accomplis, fans incontestés, public connaisseur, techniciens passionnés…

L’envoutement bluesy et nostalgique de Graveyard

La salle sombre de nouveau dans l’obscurité et la frénésie est palpable… Graveyard sort alors de l’ombre et c’est sans plus attendre que leur magie opère. En un instant, ils transportent le Trabendo dans une autre époque, celles des légendes de l’ère du classic rock. La musique de ce groupe suédois nous emporte dans un véritable voyage temporel et musical, explorant les limbes mélancoliques du blues rock.

Graveyard

« Hisingen Blues » m’entraîne dans une frénésie inédite. C’est la première voix que j’entends la voix de Joakim Nilsson, une véritable révélation vocale : arpentant avec nostalgie la poésie rock’n’roll de Janis Joplin, le chanteur passe avec maîtrise des tons les plus stridents aux sonorités les plus graves. Le groupe poursuit par « Uncomfortably Numb » et, en suivant les lignes de basse, l’écho des voix et les coups balayés sur la caisse claire de la batterie, me voilà plongée dans une ambiance bluesy et tamisée… Tout comme Robert Johnson qui pactise avec le Diable pour transcender le blues, Graveyard semble hanté par ses propres démons musicaux.

Joakim Nilsson, Graveyard

L’ambiance monte crescendo avec « Please Don’t » de leur album le plus récent « Peace ». Par ce changement d’atmosphère, je sens le puissant envoutement que Graveyard exerce sur la salle. Cette formule magique harmonieuse se compose par des structures classiques, un groove qui fonctionne et une énergie viscérale mais contrôlée.  La voix ensorcelante de Joakim Nilsson enflamme de plus belle la salle, m’évoquant cette fois-ci le timbre rugueux de Chris Cornell.  L’hymne puissant que constitue « The Siren » fait ressortir en moi un lourd sentiment de nostalgie, me rendant mélancolique avant l’heure. Je révoque l’idée que le show puisse se terminer, je décide alors de me laisser guider par les aléas rythmiques de cette iconique chanson… Le set de Graveyard me laisse tout simplement bouche bée et tympans grésillant.

Garance Ameline, Metalleux de France, et Jusso Valli, Polymoon

Je remercie ma bonne étoile pour avoir placer Juuso Valli, le bassiste de Polymoon sur notre chemin, juste le temps pour François d’immortaliser ce bref moment de partage avant de le laisser étancher sa soif au bar derrière nous.

La furie musicale de Kadavar

Mon regard se tourne désespérément vers la scène dans l’espoir de voir la silhouette des membres de Kadavar. Leur performance à l’édition 2022 du Hellfest m’avait époustouflée et je suis prête à renouveler l’expérience à l’infini… En une seconde, Kadavar prend possession de la scène et quelque chose saute aux yeux du public : le trio berlinois devient quatuor ! Après une annonce relativement peu médiatisée sur les réseaux sociaux, Jascha Kreft a rejoint en mars dernier le groupe, munit de synthés et de guitares supplémentaires. Ce fut un honneur pour moi et pour Métalleux de France de couvrir la première tournée de Kadavar avec cette nouvelle formation.

Kadavar

L’aventure Kadavarienne commence avec « All Our Thoughts », le premier morceau de leur premier album éponyme. La chanson ouvre le set et également la porte d’entrée vers l’univers du groupe. Mariant un jeu doom avec une approche psychédélique, une texture personnelle et tout en conservant un charme vintage, le groupe ensorcèle tous les amoureux des 70s. Kadavar hypnotise la foule avec « Last Living Dinosaur » : la fosse devient électrique, comme si la foule était branchée aux amplis, alimentée par l’énergie de la basse de Simon « Dragon » Bouteloup, rythmée par les coups de toms de Christoph « Tiger » Bartelt et subjuguée par les cordes vocales de Christoph « Lupus » Lindemann. Le son lourd, efficace et « straight to the point » de cette chanson est parfaitement adapté à un roadtrip débauché (attention aux excès de vitesse !).

Christoph « Lupus » Lindemann, Kadavar

« Thousands Miles Away From Home » fait ressortir de la performance de Kadavar une inspiration à la fois heavy et rock’n’roll. L’alchimie du groupe est alors palpable : la scène est leur élément et les musiciens sont habités par une passion contagieuse. Je suis abasourdie par le jeu frontal et authentique du groupe, ainsi que par la prestance et la carrure de géant des musiciens qui semblent tout autant en transe que moi. Les premières notes de la guitare de « Vampires » me rappelle l’album « ELDOVAR », fruit de la formidable collaboration entre Kadavar et Elder. Très rapidement, le morceau se détache de ce son stoner et tous les instruments sonnent en symbiose. Avec des chansons comme « Into the Night » ou encore « Doomsday Machine », le groupe assume leur racines Sabbathienne, aussi bien dans le choix de la mélodie vocale que dans la structure des morceaux. Pourtant, je reconnais toujours la touche de Kadavar qui nous enivre avec une identité qui leur est propre. La foule a immédiatement répondu à l’appel magnétique de la chanson tant attendue « Black Sun ». Les spectateurs sont arrivés au point culminant de leur trip musical. Je ne peux plus résister, je dois aller au plus près des amplis pour me convaincre que je n’étais en train de délirer. La virtuosité de Lupus à la guitare me saute aux yeux : capable de passer d’un solo à un riff de la façon la plus logique et naturelle qu’il soit, il gère de nombreux changements mélodiques amenant à un résultat singulier et un ensemble cohérent.

Simon "Dragon" Bouteloup, Kadavar

La salle est propulsée dans un autre monde lorsque le groupe engage « Purple Sage ». J’ai l’impression d’assister à une jam folle-furieuse, animée par des musiciens en fusion et un public en ébullition. Provenant de leur premier album, cette chanson expérimentale et atmosphérique proche de Pink Flyod me rappelle « The Isolation Tapes », dernier album composé par le groupe sans collaboration. Je perçois une spontanéité dans la technique de composition de Kadavar. Après réflexion, le choix de cette chanson pour conclure leur set n’est pas anodin. Il s’agit peut-être d’un indice quant à la direction que Kadavar souhaite prendre. L’arrivée d’un quatrième membre dans le groupe pourrait les aider à renouer avec leurs origines psyché et atmosphériques et leur permettre de jouer en live leurs chansons les plus expérimentales. Mais je me garde bien d’émettre davantage de suppositions, car seul l’avenir nous dira comment évoluera la magie de Kadavar.

Quittant à présent le Trabendo, je ressens beaucoup de gratitude envers tous les musiciens virtuoses m’ayant offert une expérience quasi-mystique que mon ouïe n’est pas près d’oublier.

Garance

No items found.
No items found.
No items found.
No items found.
No items found.