21/8/2024

GUITARE EN SCENE 2024

Pèlerinage annuel à Saint-Julien-en-Genevois pour cette nouvelle édition de Guitare En Scène. Toujours un plaisir de retrouver ce festival à taille humaine avec son ambiance familiale, son affiche éclectique et son accueil fort sympathique...

On commence la journée du jeudi à l'heure de l'apéro du soir avec Axel Zimmerman sur la scène Quartier Libre. Celui-ci fait partie du groupe BlackRain que je ne prise guère mais en solo il propose un tout autre répertoire, bien loin du hard & heavy... Avec sa guitare et sa voix plutôt agréable et en compagnie d'un contrebassiste, il opte pour une pop estivale teintée de flamenco et de jazz manouche. Avec ses 4 singles sous le bras dont le très accrocheur « Justine », il interviendra plusieurs fois sur cette même scène au cours du weekend pour le plus grand plaisir des festivaliers.

Sur la scène Village, c'est maintenant l'un des 3 finalistes du Tremplin GES qui vient se présenter : Paddang. Il s'agit d'un power-trio toulousain aux influences garage, psychédélique et même prog' rock . Autant dire qu'il est un peu difficile de s'y retrouver dans ce cocktail plutôt surprenant.

J'attendais avec impatience la prestation de Seasick Steve car on m'en avait dit le plus grand bien. Le guitariste-chanteur se présente simplement accompagné d'un batteur. Il nous raconte volontiers l'histoire de ses guitares personnalisées qui ressemblent souvent à des Cigar Box. Musicalement c'est plutôt pas mal, à mi-chemin entre blues et country mais ça tourne vite en rond avec des morceaux qui se ressemblent tous. On a l'impression que le musicien de 73 ans se fait plaisir avec sa collection de grattes improbables mais ça manque de compos dignes de ce nom...

Fort heureusement la suite de la soirée va répondre à mes attentes. Tout d'abord avec Status Quo qui va nous offrir comme à son habitude un Best Of de ses 60 années de carrière. Quel plaisir de retrouver Francis Rossi toujours en grande forme et accompagné des incontournables Andy Bown et Rhino sans oublier les plus récents Richie et Leon. De « Caroline » qui ouvre comme toujours le show à « Whatever You Want » en passant par « Down Down » et « Roll Over Lay Down » sans oublier le très attendu « In The Army Now » et le medley qui permet de caser un maximum de tubes, les Britanniques ont fait le job.

Juste dommage que John Fogerty qui passait juste après ne soit pas venu les rejoindre pour un « Rockin' All Over The World » commun... D'habitude ce genre de jam est une spécialité de Guitare en Scène mais pas ce soir visiblement. Du coup nous aurons droit à 2 versions de ce morceau mythique dans la même soirée, la reprise du Quo et l'originale de Fogerty à quelques heures d'intervalle.

J'avais vu le fondateur de Creedence Clearwater Revival il y a peu à la Seine Musicale et je l'avais trouvé particulièrement convaincant. Ce soir il va nous offrir quasiment le même show et c'est donc avec grand plaisir que je vais retrouver les meilleurs moments de sa longue carrière qui commence comme pour le Quo dans les années 60. Il est toujours en compagnie de ses fils sur scène et sa femme n'est pas loin. Il lui rendra d'ailleurs un hommage appuyé comme à chaque fois avec le morceau « Joy Of My Life » illustré sur grand écran par des images de leur mariage et de leur vie commune. Il faut dire qu'elle semble avoir joué un grand rôle dans la récupération des droits sur son catalogue CCR et sur sa guitare préférée disparue depuis plus de 40 ans...  « Tous » les tubes de Creedence seront présents, de « Bad Moon Rising » à « Proud Mary » sans oublier « Up Around The Bend », « Born On The Bayou » ou encore l'incontournable « Fortunate Son »... 1 heure et demie de pur bonheur en compagnie de cet artiste légendaire qui fêtera bientôt ses 80 printemps !

Mais la soirée n'est pas finie puisque c'est au tour de The Inspector Cluzo de nous régaler. Je ne connaissais ce groupe que de nom et je dois dire que j'ai pris une grosse claque en les découvrant sur la scène Village. Un peu comme pour Last Train il y a 2 ans en ce même lieu ! Le duo, composé de Laurent aux guitares et au chant et de Mathieu à la batterie, a de l'énergie à revendre et des compos qui tiennent bien la route. Ils viennent de Mont-de-Marsan et tiennent un discours clair et sans concessions.

Visiblement ils n'aiment pas les grosses structures que ce soit en termes de labels ou de festivals. Ils ne manqueront pas d'habiller pour l'hiver les Live Nation, AEG et consorts ainsi que les Eurockéennes où ils ont joué il y a peu et dont ils ne gardent pas un très bon souvenir. Le cadre de GES semble mieux leur convenir et ils ne tariront pas d'éloges pour ce festival à la jauge volontairement limitée à 5000. Le répertoire est plutôt varié même si très orienté rock-blues et surtout tout est joué live, pas de bandes pré-enregistrées. Grosse ambiance devant la scène notamment pour le dernier morceau en forme d'apothéose « Put Your Hands Up » et on verra même le batteur se fendre d'un slam au milieu de la foule... Super moment et excellente découverte !

La journée de vendredi commence sur la scène Village avec les Parisiens de Seven Ages, seconds finalistes du Tremplin GES. Le quatuor propose une British pop sympathique mais sans grande originalité.

J'attendais beaucoup de Larkin Poe, le duo féminin de blues-rock dont on parle beaucoup depuis quelque temps. Les 2 sœurs Lovell sont accompagnées d'un bassiste et d'un batteur. Rebecca s'occupe du chant principal et des guitares traditionnelles, Megan prend en charge la lap steel guitar qu'elle porte horizontalement devant elle ainsi que les harmonies vocales.

Le répertoire est très roots et essentiellement blues même si le folk, la country et le southern rock sont régulièrement conviés, en témoigne cette formidable reprise de « Jessica » des Allman Brothers qui m'a replongé dans mes années  Claude Villers sur France Inter il y a plus d'un demi-siècle. Très belle interprétation également du « Preachin' The Blues » de Son House. En 1 heure et une dizaine de morceaux les sœurs Lovell ont comblé le public présent qui en aurait bien repris une bonne louchée...

Je n'avais pas revu Chris Isaak depuis 1987 et ses premiers concerts en Europe. J'avais eu la chance de le découvrir sur scène au Marquee de Londres juste à côté d'un certain Etienne Daho qui venait voir ce songwriter-chanteur venu de Californie et dont on commençait à beaucoup parler à l'époque notamment du fait du succès énorme en France de « Blue Hotel ».

Il jouera bien évidemment ce hit ainsi que tous les autres comme « Wicked Game », « Baby Did A Bad Bad Thing » ou encore « Somebody's Crying ». Même si les années ont passé, le beau Chris a toujours son timbre de voix reconnaissable entre mille et le public féminin lui est toujours fidèle. Il a aussi un sens de l'humour très présent notamment lorsqu'il s'agit de s'amuser avec ses musiciens, excellents au demeurant. Mention spéciale à ses costumes notamment celui tout en lamé qui brille de mille feux. De bien belles retrouvailles avec le crooner américain qui aura marqué cette nouvelle édition de Guitare en Scène !

Je n'en dirai pas autant de Rival Sons que j'ai trouvé prodigieusement ennuyeux. Il faut dire qu'entre eux et moi c'est tout ou rien. La dernière fois au Hellfest en 2022, je les avais trouvés parfaits mais là rien à faire, impossible de rentrer dans le show qui tourne à vide.

Dans une formule proche de celle de The Inspector Cluzo la veille à savoir un duo composé d'un guitariste-chanteur et d'un batteur, c'est au tour de Ko Ko Mo de fouler enfin la scène Village puisqu'ils avaient loupé leur passage l'année dernière du fait de l'incendie de leur tourbus et avaient été remplacés au pied levé par Dätcha Mandala. Autant j'avais trouvé la prestation du binôme de Mont-de-Marsan la veille intéressante et innovatrice, autant j'ai trouvé celle des Nantais très convenue.

Tous les morceaux se ressemblent et ce n'est pas la reprise du « Personal Jesus » de Depeche Mode qui sauve le reste de la setlist. Scéniquement on ne peut pas leur reprocher d'être statiques puisque le guitariste court dans tous les sens et manque même parfois de s'étaler mais ça ne suffit pas à compenser selon moi l'impression de déjà-vu de leur « rock hard blues psychédélique » qui ne m'a guère transporté.

Le samedi commence sous les meilleurs auspices avec le groupe Héritage qui remplace provisoirement Axel Zimmerman sur la scène Quartier Libre en guise d'apéro. Composé d'un père et de son fils, Patrick et Martin Tayol, qui jouent de la guitare ensemble depuis une vingtaine d'années, ce groupe de blues-rock-soul comporte également une base rythmique solide et surtout une jeune chanteuse, Margot Voitti, à la voix chaude et groovy. Le répertoire est classique mais ça le fait bien pour lancer les hostilités de la journée qui s'annonce chaude.

La chaleur, le chanteur de Lean Wolf, troisième finaliste du Tremplin GES, ne va pas trop la supporter puisqu'il devra interrompre son set avant la fin du fait du cagnard qui sévit sur la scène Village. Dommage car la prestation du quartet montpelliérain avait plutôt bien commencé avec ce mélange de blues, de rock et de soul qui revendique les influences de Gary Moore ou de SRV. Il méritera largement d'être au final le gagnant de la finale du Tremplin...

Et maintenant c'est un parfait inconnu, du moins en ce qui me concerne, qui foule la scène Chapiteau, Xavier Rudd. Honnêtement à moins d'être surfeur ou Australien ou fan inconditionnel de Paul Simon ou les 3 à la fois, je ne sais pas trop ce qu'on peut trouver à sa musique qui bénéficie pourtant d'un certain  succès puisqu'il franchit la barre des 2 millions d'auditeurs mensuels sur Spotify... J'ai bien peur de ne pouvoir faire partie de ceux-là !

Malheureusement ce constat personnel sera le même pour Rodrigo Y Gabriela... Ce mélange de guitares flamenco et métal est sans doute très impressionnant techniquement parlant mais m'a laissé totalement de marbre !

On en arrive à la « star » du jour et probablement du weekend, Monsieur Francis Cabrel. J'ai eu la chance de le voir déjà une bonne dizaine de fois sur scène notamment il y a une trentaine d'années lorsque j'étais le chef de projet de son guitariste JP Bucolo chez RCA et que je partais régulièrement avec eux sur la tournée « Samedi Soir Sur La Terre ». La dernière fois c'était à l'Olympia en 1999 pour la tournée « Hors-Saison », encore un grand moment, et je me réjouissais à juste titre de le revoir 25 ans plus tard à GES. Le show est nettement moins « électrique » qu'à l'époque et l'ambiance est beaucoup plus acoustique pour cette tournée 2024. Les musiciens qui accompagnent Cabrel sont toujours autant triés sur le volet à commencer par Denis Benarrosh à la batterie qui lui est fidèle depuis 30 ans. Et puis Freddy Koella aux guitares, Alexandre Léauthaud à l'accordéon et Nicolas Fiszman à la basse sont loin d'être des manchots.

La setlist est ce qu'on peut rêver de mieux, de « Presque Rien » à « La Dame De Haute-Savoie » en passant par « La Corrida », « Sarbacane » et « Petite Marie » entre autres. Près de 2 heures de concert devant un public conquis d'avance qui connaît toutes les paroles par cœur. Le chapiteau est bondé et en cette soirée de samedi la jauge est à son maximum. Ce n'est que justice car le concert est fabuleux et ce sera pour beaucoup LE concert de l'édition 2024 de GES. Et les « Djobi Djoba » et « Bamboleo » de Gipsy Baliardo qui résonneront par la suite sur la scène Village auront bien du mal à rivaliser avec les magnifiques compositions de Francis !

On en arrive à la journée de dimanche qui sera pour moi, sans conteste, la plus riche du weekend... Ca commence avec le nouveau prodige du blues Toby Lee âgé de seulement 19 ans. Adoubé par Joe Bonamassa, celui-ci le décrit comme une « future superstar du blues », rien que ça ! Toby arrive sur la scène Village avec un peu de retard mais il va vite combler ce handicap avec un set implacable et notamment des versions incandescentes de « Crossroads » et du « See The Light » de Jeff Healey qui raviront les fans de blues-rock...

On passe à la scène Chapiteau pour Dave Stewart Eurythmics. Là encore un peu de retard à l'allumage mais quand Dave s'empare de sa guitare et se présente avec ses donzelles, ça le fait grave. Le line-up est le même que celui de Pleyel il y a quelques mois pour ce concert qui m'avait tant impressionné. La seule différence c'est que Dave n'est venu qu'avec une seule chanteuse, l'Australienne Vanessa Amorosi qui va devoir assurer pour 3, pas une mince affaire ! On retrouve donc les exceptionnelles saxophoniste et harmoniciste ainsi que la batteuse, la bassiste et la claviériste Hannah qui fait office de cheffe d'orchestre.

Tout ce petit monde revisite de la plus belle des manières le répertoire d'Eurythmics, de « Missionary Man » au très attendu « Sweet Dreams » en passant par « Here Comes The Rain Again », « Sisters Are Doin' It For Themselves » ou « Would I Lie To You ? ». On aura même droit à une très belle reprise de l'instrumental « Lily Was Here » sans Candy Dulfer certes mais avec la belle Yasmine Ogilvie au saxo qui n'a rien à lui envier... Très heureux d'avoir pu revoir Dave et ses copines sur la scène de Saint-Julien-en-Genevois pour cette prestation haute en couleur.

C'est maintenant au tour du parrain de cette édition 2024 de GES de monter sur scène, le grand Marcus Miller. Tout amateur de jazz-rock, de fusion et plus largement de musique de qualité se doit d'avoir vu au moins une fois dans sa vie Marcus sur scène. Ce sera donc mon cas en ce dimanche soir car ce sera ma première fois aussi étonnant que cela puisse paraître... Du très haut niveau musical avec un groupe de cadors en parfaite symbiose autour du bassiste. J'ai été particulièrement impressionné par la reprise de « Tutu » de l'album du même nom que Marcus avait composé pour le légendaire Miles Davis il y a près de 40 ans. Il rendra également un hommage appuyé au grand David Sanborn disparu récemment.

Le festival se termine avec celui que je vénère depuis mon adolescence à savoir le grand Nile Rodgers et son groupe Chic. Ce sera mon second concert du groupe américain, la dernière fois étant au festival Montereau Confluences il y a 10 ans pour un show mémorable. Celui de GES le sera encore plus car Nile nous offrira une setlist encore plus complète et surtout des « anecdotes » sur sa longue carrière toutes plus intéressantes les unes que les autres... Il nous parlera ainsi de ses multiples grammys tardifs, de son regretté compère Bernard Edwards, co-fondateur de Chic, de Madonna avec qui les relations furent visiblement compliquées, de Beyoncé, de Duran Duran, beaucoup de Daft Punk dont il regrette amèrement la séparation juste après la sortie de leur album commun, de Bowie à qui il a offert son plus gros succès, de Sister Sledge, de Diana Ross et j'en passe !

En 2 heures et 25 titres environ, nous allons traverser plus de 50 ans d'histoire de la dance music, du funk, de la soul et même du rock... Les 2 chanteuses Kimberly et Audrey qui accompagnent Nile sont fabuleuses, sa section rythmique composée de Ralph Rolle à la batterie et de Jerry Barnes à la basse groove délicieusement et les cuivres et les claviers ne sont pas en reste. Et cerise sur le gâteau on aura droit à la venue de Marcus Miller pour une jam d'enfer sur « Good Times » avec un duel de basse d'anthologie entre lui et Jerry devant un public médusé. Cette prestation de Chic à Saint-Julien-en-Genevois demeurera comme le moment le plus festif et le plus fun de cette édition 2024...

Vivement l'année prochaine pour la suite...

Merci à Géraldine, Pascale, Thierry, Laurent, Jacques et à tous les bénévoles...

Texte : Olivier Carle

Photos : Christian Ballard

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