5/12/2023

La furie créative de Brutus et de Tsar B

J’avance au gré des rares lampadaires illuminant mon chemin vers le Trabendo. Au milieu des structures métalliques constituant le parc de la Villette, je prends mon temps. Je savoure les minutes qui me séparent de la salle de concert, avec la certitude que cette soirée sera spéciale. Je m’apprête à assister aux performances de deux projets fulgurants comme deux étoiles filantes parmi les scènes musicales actuelles les plus inventives.

Le voyage inter-musical de Tsar B

La hâte monte de plus belle lorsqu’à l’extérieur de la salle de concert, j’entends résonner les premiers notes de Tsar B. Quelle erreur de ma part d’avoir autant tardé avant de découvrir un projet aussi créatif. Derrière ce projet, l’artiste belge Justine Bourgeus associe violon, synthé, chant lyrique, batterie puissante et musique électronique afin de créer une atmosphère remarquable et vigoureusement créative.

Le public est conquis. J’ai rarement découvert une première partie aussi surprenante prendre aussi rapidement le contrôle de la foule. Les têtes bougeaient aux rythmes de la batterie live, qui groovait en symbiose avec les effets sonores provenant des deux synthés sur scène. L’ajout de cette batterie live apporte une dimension organique et authentique aux sonorités électroniques et texturées. Je découvre un style de musique électro et éclectique, un projet absolument innovant et créatif. Une détermination viscérale s’empare alors de Tsar B, délaissant son synthé au profit de son violon. Son acolyte musical s’empara d’un violoncelle pour intégrer une touche classique et enrichir de plus belle leur musique. Je ne saurais que recommander le projet de la compositrice Tsar B, à découvrir absolument en live.

La poésie émotionnelle et harmonique de Brutus

Le temps de ’entracte paraît suspendu. Il semblerait que chaque individu constituant le public est dans une attente presque insoutenable pour enfin assister au grand final, le prodigieux et inclassable groupe Brutus. Si je me mettais dans la peau d’une scientifique de la musique et que je devais détailler l’expérience fabuleuse de retrouver ce trio belge sur scène, voici comment je procéderais : je dresserais une carte mentale de leur multiples inspirations musicales, dans laquelle s’uniraient en symbiose post-rock, hardcore, atmosphérique et shoegaze, puis j’énumérerais, tant bien que mal, les nombreuses techniques instrumentales des talentueux musicien.ne.s et je démontrerais par a+ b comment et pourquoi il est logique et inévitable que le groupe Brutus s’impose aujourd’hui comme l’un des projets les plus créatifs et acclamés de la scène. Malheureusement, je dois me restreindre à mon humble rôle de chroniqueuse car je ne possède pas l’objectivité nécessaire à cette analyse scientifique. Autant de fois où j’ai redécouvert Brutus sur scène, furent autant de nouvelles expériences fascinantes et cela ne cesse de renforcer mon admiration intemporelle pour leur travail. Je vous retranscris donc ici une infime partie de ce que Brutus peut offrir sur scène.

Les premières notes de guitare de Stijn Vanhoegaerden engendrent un air mélancolique, auquel s’ajoute l’unique et irremplaçable voix de Stefanie Mannaerts. Comme le reste de la salle, j’acclame la chanson « War », ouvrant majestueusement le concert. Peu à peu, la basse de Peter Mulders se joint aux deux autres instruments et annonce la puissance du morceau. Le trio « unleashed its war » et toute l’intensité de leur talent est relevé. Ils jouent sur plusieurs niveaux et combinent leurs émotions propres afin de les rendre audibles et de les partager avec nous, son fidèle public.

En cette unique soirée, Brutus honorera ses fans les plus méticuleux avec deux chansons provenant de leur tout premier album « Burst », faisant resurgir en moi des souvenirs profondément enterrés par le temps. C’est par cet album que Brutus m’a ouvert son monde et c’est un plaisir de me laisser emporter par la vague nostalgique que les musicien.ne.s provoquent en moi. Le morceau « Horde II » retentit avec puissance dans la salle de concert, les riffs évolutifs de Stijn Vanhoegaerden produisent une énergie brute, amplifiée par les vifs coups de caisse claire de Stefanie Mannaerts. C’est particulièrement avec « Justice De Julia II » que la poésie harmonique de Brutus est révélée. Cette chanson raconte une histoire que seuls les instruments peuvent comprendre, et qui pourtant me produisent un torrent d’émotions contradictoires. Une poésie complexe, mélodique, sensible et vigoureuse.

Le public entre en ébullition lorsque que Brutus entame les premiers morceaux provenant de leur dernier album, « Unison Life ». « Storm »introduit de plus belle l’unique signature vocale de Stefanie Mannaerts, mais c’est véritablement au cours du break de « Brave » qu’est révélé son timbre granuleux et sa voix oscillant entre les tonalités les plus basses et les sons les plus lumineux. Lors de précédents témoignages, la batteuse-chanteuse de Brutus avait confié qu’elle n’avait jamais eu l’intention de chanter et que le groupe cherchait activement quelqu’un pour lui prêter savoix. Finalement, le trio s’est rendu à l’évidence et, par son talent pluri-musical, Stefanie Mannaerts est devenue la voix et le cœur battant de Brutus.

Le public est tout simplement emporté par le spectacle sonore et lumineux qui s’offre à lui.« Liar » provoque un immense engouement collectif et je ne peux pas m’empêcher moi aussi de me joindre à ce mouvement, rythmé par les lignes de basse de Peter Mulders. En écoutant « Chainlife » et « Dust », deux nouvelles chansons perfectionnant l’univers musical de Brutus, j’essaie de mettre de côté l’emprise émotionnelle que leur musique exerce sur moi et de rationaliser leurs nombreux talents :  par une réappropriation personnelle d’un shoegaze texturé à l’aide d’une guitare aux sonorités lumineuses et précises, ainsi qu’une capacité à intégrer de la sensibilité à la puissance des instruments, le groupe de post-rock se distingue et s’élève dans une scène en constante métamorphose. Une lumière irradie la scène et « Sugar Dragon », cette chanson si spéciale pour Brutus, résonne comme le clou d’un spectacle touchant à toutes nos dimensions sensorielles. La frappe de Stefanie Mannaerts révèle toute l’intensité de son jeu de batterie, à la fois puissant et sincère.

Il fut très difficile de rendre justice aux talentueux.euses musicien.ne.s qui se sont présenté.e.s à moi lors de cette date unique. Je suis encore subjuguée par de multiples émotions et il est difficile d’exprimer ma reconnaissance face à tous ces groupes qui ne cessent de me redonner espoir en la musique. Avant de poser ma plume, je tiens donc à vous remercier chaleureusement, acteur.trice.s du monde de la musique, pour contribuer au renouvellement de ce que l’on appelle la musique « heavy » et pour me faire vivre au travers de symphonies inoubliables.

 

Live report par Garance Ameline

Photographies par François Capdeville

 

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