Paris, 17 octobre 2024. Je brave un temps à ne pas mettre un chien galeux dehors et une nuit d’insomnie pour assister à un line-up jamais vu : Wind Rose, Hammerfall, et Powerwolf. Une aubaine pour une fan de power metal comme moi. Malheureusement, les trombes d’eau retardent mon tram, et j’arrive, trempée jusqu’aux os, au Zénith alors que les dernières notes de Diggy Diggy Hole résonnent dans le hall. Je monte en gradins juste à temps pour voir un océan de mains et de pioches-ballon se lever avec enthousiasme au rythme de la plus célèbre chanson du groupe pisan.
Ma collègue Stéphanie, présente avant moi, vous raconte :
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WIND ROSE : des nains, des mines et des pioches
Ces mots ont résonné dans le Zénith de Paris.
Seulement quatre ans avant, le groupe de dwarf power metal italien jouait à quelques pas d’ici, au Trabendo, devant plusieurs centaines de métalleux. Et c’est face à un Zénith, qui affichait complet depuis des mois, que nous les retrouvons. Leur passion les pousse à s’améliorer de plus en plus à chaque sortie d’album. Et incontestablement, l’album Trollslayer, sorti le 4 octobre dernier, est un excellent album de power metal. Leur ascension les amène face à nous ce soir dans cette magnifique salle parisienne.
Mené par l’impressionnant Francesco Cavalieri, le groupe démarre son set avec le titre Fellow the Hammer. Le public est réceptif de suite, visiblement un bon nombre d’entre eux sont là pour eux. L’ambiance est excellente d’entrée de jeu et les pogos ne tardent pas à se déclencher. La soirée s’annonce festive !
Place à un titre du nouvel album Trollslayer The great feast underground, et au vu de l’ambiance dans la foule, celui-ci est très bien accueilli par les aficionados du groupe. Puis on enchaîne sur les titres tant attendus Drunken Dwarves et Mine Mine Mine !. C’est puissant, mélodique et entraînant ; les ingrédients parfaits pour passer un bon moment !
Le titre Rock and Stone s’en suit, il est taillé pour le live, ce nouveau titre est fédérateur et les chants provenant de la fosse le confirment. Le groupe fait preuve d’une énergie sans faille depuis le début, et ne laisse pas le temps au public de se reposer, l’appel à la bataille retentit, on poursuit avec le titre Together we rise dans lequel le chanteur fera quelques envolées lyrique et quelques screams pour donner plus de puissance au morceau.
La setlist s’achève avec l’incontournable Diggy Diggy Hole, leur chanson phare n’en finit plus de faire danser la foule et déclenchera un Diggy Hole circle ?!... Imaginez un circle pit mais où les fans minent avec des pioches gonflables. Le concert s’achève dans une ambiance incroyable.
Une setlist équilibrée et malheureusement bien trop courte.
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Les applaudissements marquent la fin du set, qui semblait survolté, et je profite de la pause pour étudier la foule, qui s’est mis sur son 31 pour l’occasion : visages maquillés de blanc des fans de Powerwolf, kilts, pioches et fausses fourrures émulant les nains de Wind Rose ; je vois même un moine faire la queue pour le merch’.
A côté de moi, un homme se demande s’il doit appeler sa banque pour pouvoir se payer un taco et une bière aux stands. J’ignore s’il y parvient, car déjà les accords de Hammerfall résonnent et nous attirent vers la seconde partie du spectacle.
HAMMERFALL, ou la fantasy 80’s
Glorieux devant la bannière représentant l’artwork de leur dernier album, les quatre membres du groupe suédois entament la chanson-titre, Avenge the Fallen. L’ambiance est très 80’s, faite de solos juteux, de longues chevelures et de refrains entêtants. La fosse semble un peu moins dynamique que sur Wind Rose, mais un petit pogo se forme néanmoins sur l’énergique Heeding the Call. La scène se couvre de lumières dansantes, suivant le rythme effréné du refrain d’Any Means Necessary ; les solos des guitares de Oscar Dronjak et de Pontus Norgen nous régalent.
« We’re going to have a fucking party together. Are you going to be hammered with Hammerfall? » nous lance le chanteur Joacim Cans. Oui, nous sommes prêts à « bien nous amuser », à nous « prendre une raclée », et le gros son d’Hammer of Dawn nous en donne l’occasion. La musique du groupe est simple et sans prétention ; elle va droit au but, avec des paroles lapidaires : « Thunder lightning, Hammer fighting, Battle dawning, Vengeance coming ». Le son d’une moto introduit Renegade, qui fait foisonner les jeux de lumières ; sur Hammer High, le groupe implique la salle qui lève le poing comme des milliers de marteaux en l’air et chante le refrain en choeur.
Après Last Man Standing, qui a motivé quelques slammeurs, le chanteur demande : « Who will be the last man.. and the last woman standing ? » (« Qui sera le dernier homme… Et la dernière femme debout ? »). Les femmes dans la salle répondent avec enthousiasme. Joacim, taquin, tance alors : « Elles ne sont pas venues pour vous, les mecs… Elles sont venues parce qu’elles aiment le heavy metal ! ». Des cris d’approbation s’élèvent de toutes parts, et les têtes se mettent à bouger en rythme sur l’immense classique Let the Hammer Fall. Devant le plateau de l’ingé son, un fan danse et secoue son corps comme jamais.
Avec (We Make) Sweden Rock, Hammerfall fait bouger Paris. L’énergie est toujours là, il semblerait : les mains se lèvent, les corps se déhanchent, la batterie de David Wallin fait trembler les coeurs sur The End Justifies qui déclenche un circle pit. Le set se conclut sur Hearts on Fire, un bain de foule du chanteur, et un petit wall of death. Ce plat de résistance résolument old school était ce qu’il nous fallait pour nous mettre en appétit.
POWERWOLF : la Sainte Messe du Heavy Metal
Avant même que le groupe arrive, les fans trépignent d’impatience, et frappent du pied sur le sol, faisant trembler les tribunes. Nous nous attendons à du spectacle de très haute qualité, et les géants du power metal allemand ne déçoivent pas : le rideau rouge vif tombe, laissant apparaître un décor de cathédrale, dont les vestiges gothiques se retrouvent tant en architectures sur scène qu’en broderie sur le costume des musiciens.
A peine a-t-on le temps de s’émerveiller que des flammes jaillissent, que des loup-garous surgissent, et que la voix puissante d’Attila Dorn (nom de scène de Karsten Brill) enflamme le public sur Bless’em with the blade. En français, il nous demande : « Êtes-vous prêts à célébrer la Sainte Messe du heavy metal ? ». Un hurlement approbateur lui répond, et le groupe décide de bénir l’endroit avec « l’encens et le fer ». Incense and Iron provoque une véritable folie dans la salle, qui se met à sauter à pieds joints. Attila s’en amuse : « Vous êtes en train de tout démolir ! ». Félicitant son « armée de heavy metal », il nous convie à le rejoindre sur Army of the Night. De sublimes vitraux sont projetés sur le fond de scène ; pas de doute, Powerwolf sait aussi bien gâter nos yeux que nos oreilles.
Cela ne fait que trois chansons, mais le groupe semble ne pas en revenir de l’enthousiasme de la salle, qui bat des pieds et des mains à la moindre occasion. Sur Sinners of the Seven Seas, la fosse se met littéralement à ramer en rythme. Le célébrissime Amen and Attack sonne comme un point d’orgue : le pianiste Falk Maria Schlegel en joue justement un, qu’il amène au milieu de la scène. « Je vous demande d’allumer le feu du heavy metal avec moi », nous demande le chanteur. Il n’en faut pas plus pour attiser la fosse : un fan déguisé en moine et un autre déguisé en bonne sœur se mettent à crowdsurfer au même moment, portés par des milliers de mains, et baignés de la lumière des flammes s’élevant au rythme de la musique.
Attila s’incline respectueusement devant notre ferveur, et je pense à cette scène du Retour du roi : « Mes amis, ce n'est pas à vous de vous incliner ». Avec le pianiste, ils entament une petite valse, et enchaînent avec le mélancolique Dancing with the dead. Comme un chef d’orchestre, le chanteur essaie de discipliner le public, en vain : la salle connaît les premières notes d’Armata Strigoi par cœur, et les chantera même quand on lui demande de ne pas le faire. C’est un beau moment d’unité et d’hommage qu’offre le public parisien au maître de cérémonie, qui reçoit l’écho de milliers de voix à l’unisson.
Le groupe nous régale avec une scénographie exceptionnelle et ses vidéos projetées en fond de scène : sur 1589, un être terrifiant, mi-homme, mi-loup, se débattant avec ses chaînes, évoque la légende du meurtrier cannibale Peter Stump; des hommes habillés en moine, portant des torches, avancent sur scène sur Stossgebet, et contemplent l’élévation – littérale – du chanteur, porté aux nues par un pilier s’élevant du sol. Sur la douce ballade de Alive or Undead, le pianiste s’installe à un piano enveloppé de flammes, pendant que de la fausse neige tombe. La salle s’illumine de la lumière de milliers de téléphones, qui se balancent en rythme. Aux premiers accords de Demons Are a Girl's Best Friend, une femme devant moi déclare : « Sur celle-là, on se lève ! ». Le groupe n’est pas près de nous laisser nous endormir ; il nous fait même le cadeau de leur très spéciale chanson française, et la Bête du Gévaudan, « un tueur mi-loup mi-machine », apparaît sur l’écran qui s’illumine aux couleurs du drapeau français.
Le set se termine après les très énergiques Sainted by the Storm et Blood for blood. Les applaudissements retentissent, leur nom résonne ; il n’est pas question que cela soit déjà terminé. Une fan aux cheveux rouges, depuis le milieu de la fosse, motive le public à les rappeler. Et bien vite, les musiciens reviennent avec le puissant Sanctified with dynamite, sur fond de flammes et de feux d’artifice.
« Paris est possédé par le heavy metal », déclare Attila, toujours en français. « Cette musique nous donne beaucoup de force et d'énergie. Merci pour la force que vous donnez dans nos concerts. Maintenant… Est-ce que vos batteries sont vides ? ». Un rugissement de « NON » lui répond, et la salle le lui prouve en accompagnant We Drink Your Blood d’un wall of death déchaîné. Standing ovation, applaudissements de mains et pieds ; le groupe, touché, nous remercie. « Mes chers croyants, c'était la sainte messe du heavy metal de Powerwolf ». Le concert se conclut sur la beauté ténébreuse de Werewolves of Armenia, scandé par le public. Une pluie d’étincelles cascade sur la scène ; un des nombreux loups projetés pendant le spectacle apparaît sur l’écran, portant une croix et un slogan qui résume la soirée : « METAL IS RELIGION ».
Je récupère ma veste, rendue sèche par la température de la salle, et je sors prendre l’air, éblouie par la qualité de la mise en scène et de la musique. Cette soirée power metal m’a revigorée, et cette nuit, je rêverai sans doute d’aventures en compagnie de nains, de loups et de guerriers flamboyants.
Texte : Stéphanie (Wind Rose) et Blandus (intro, Hammerfall & Powerwolf)
Images : François Capdeville (Powerwolf) et Stéphanie Morgado (Wind Rose & Hammerfall)