9/5/2023

LORDI, BabyMetal et Sabaton au Zénith de Paris - Retour sur un live exceptionnel

Texte : Blandine Marcé

Images Sabaton : François Capdeville

Images Lordi & Baby Metal : Stephan Birlouez (Merci!)

             Paris, 21 avril 2023. Je remonte le parc de Villette sous le doux soleil de fin de printemps, et croise une interminable file - plus longue que celle de Saez au Zénith en 2017, c'est dire. L’engouement est compréhensible : trois ans après leur dernier concert à Paris, Sabaton est enfin de retour, pour mettre fin à la frustration de leurs fans pressés d’en découdre. Avec Lordi et Babymetal en première partie, le concert est totalement sold out : il n’y a plus moyen de rentrer, et des acheteurs de dernière minute essaient d’obtenir une place, en vain.

             Il est déjà 19h30, et à peine ai-je le temps de passer aux toilettes que le son d’un orgue fait trembler les murs ; c’est LORDI. Je me dirige vers la fosse déjà bondée, passant près de gens refoulés faute de place, et je viens m’installer en gradins, devant le show qui commence.

LORDI, OUI, OUI

            Les géants du heavy metal finlandais ne sont plus à présenter : leur nom est iconique, ne serait-ce que pour leur performance à l’Eurovision 2006 dont ils sortent vainqueurs. Ces génies de la mise en scène ont frappé fort avec leur décor imitation fausse pierre et leurs croisées d’ogives gothiques. Sous une lumière verte, Mr. Lordi, terrible dans son costume démoniaque, s’adresse au public français avec humour : « On sait que vous êtes venus pour Sabaton, mais malheureusement vous êtes coincés avec nous, alors en attendant qu’ils arrivent, on va vous donner bien chaud et vous faire bien suer ». La foule rit ; on aime ces artistes qui ne se prennent pas au sérieux, et LORDI en est la parfaite incarnation, avec ses allures de film fantasy kitsch des 80’s qu’on porte toujours dans nos cœurs.

             Si leur style est franchement décalé, leur musique balance du lourd : les têtes bougent en rythme sur Thing in a Cage, et les mains se lèvent à l’unisson sur Blood Red Sandsman, dans un océan de mains qui me fait penser à un mille-pattes. Dans leurs tenues infernales, les membres assurent un show d’enfer : le monstrueux Kone, nouvelle addition du groupe depuis 2022, charme nos oreilles avec un juteux solo de guitare, et Miss Hella, en dépit de sa blondeur éthérée, nous assène des accords diaboliques au clavier. Mais c’est le frontman Mr. Lordi, du haut de ses plateformes démesurées, qui tient la fosse. Ses « Oui, oui ? », « Oui fucking oui » et « O la la » à la française, savamment posés entre les chansons, et ses jeux de scène (déploiement des ailes de son costume sur Devil is a Loser, canon à fumée très suggestif sur Who’s Your Daddy), séduisent le public sensible à son charisme.  

Who's your daddy ?

            Impossible de ne pas clore le show sur la chanson qui leur offrit la victoire en 2006, Hard Rock Hallelujah. Saisissant sa hache-micro, le chanteur entraîne avec lui le Zénith. La fosse et les gradins, bien mis en condition par cette savoureuse première partie, remercient les artistes avec un tonnerre d’applaudissements et de cris, avant de rejoindre les bars pour une pause technique.

Babymetal, bienvenue à NeonCity

             Quand j’ai vu le nom de Babymetal entre Lordi et Sabaton, je dois avouer avoir été sceptique : vu une première fois en 2016 pour le premier Download en France, je n’avais pas du tout été convaincue par la performance du groupe. Une fan-base solide semble pourtant exister ce soir, car je vois leurs t-shirts portés par d’autres confrères de concert, sans ironie aucune. Retournant à ma place, je me décide à leur donner une seconde chance.

Osaka Continental, bonjour !

            BabyMetal sait comment faire une entrée. Néons colorés, voix de narrateur à la Star Wars (“A long time ago, in a heavy metal galaxy far far away…”), je me sens malgré moi happée par le lore. L’enthousiasme dans la fosse est palpable. Me serais-je trompée sur leur compte ? Quand BabyMetal Death commence, je me prends une claque. J’aurais dû me douter du tour qu’allait prendre le concert, car pendant les tests sons, la puissance balancée par l’instru’ était si forte que le mec derrière moi a déclaré : « On n’est pas là pour faire dans la finesse ».

             Le son tabasse fort, c’est une vraie dinguerie. D’accord, la voix de la chanteuse principale est toute douce et innocente. D’accord, leurs chorégraphies sont celles d’Idol japonaises. Mais elles ont une énergie incroyable ; pour tenir tout un concert à ce rythme, il faut être bonnes danseuses, et c’est ce qu’elles sont. Avec Megistune, j’ai l’impression de le retrouver dans l’Osaka Continental du dernier John Wick. Ce mélange de brutalité et d’innocence, et ces belles références à la culture japonaise (j’adore les masques de Hannya, démon vengeur, sur les instrumentalistes du groupe), ont un effet électrisant. J’en vois en fosse faire tourner des drapeaux et t-shirts ; d’autres connaissent carrément les chorégraphies et les codes, en vrais fans.

          J’apprécie l’énergie de PA PA YA, et les accents tribaux de METALZIM. Mais je dois avouer être surprise par la puissance de la batterie de Maeda Aya, qui me percute de part en part et fait trembler les sièges du Zénith. Je ne suis pas la seule : ça headbang comme jamais dans la fosse. J’en vois qui se mettent à crowdsurfer sur BabyMetal alors que la fosse de Lordi était restée sage. Ca se met carrément à pogoter sur Gimme Chocolate. L’énergie du public et du groupe est vraiment cool, légère et bonne enfant ; ça fait du bien de se défouler comme ça.

             Le concert arrive à sa fin, et avec lui, les remerciements du trio. La chanteuse principale Suzuka Nakamoto, illuminée de l'éclat de mille téléphones, nous demande alors si on est prêts pour Sabaton. Un tonnerre de hurlements lui confirme que oui. Alors que je pars me dégourdir les jambes, j’entends le gars derrière moi dire « BabyMetal, j'ai écouté cinq fois et ce n’était pas mon genre de métal, mais en live c'est pas pareil, avec la chorégraphie et tout ! ». Conclusion : donner leur chance à des groupes en live peut mener à de bonnes surprises.

SABATON, ça bastonne

             Entre deux concerts, on entend toujours des phrases rigolotes. Du genre, aux toilettes : « Je garde la porte et les verres de ma pote, comme ça elle va pisser les mains libres, et après c’est mon tour ». Mais au détour d’un coin fumeur, une femme lance très sérieusement : « Sabaton, tu l'as dans les veines ». Devant moi, de retour aux gradins, un homme a le logo du groupe tatoué sur le bras. Après la légèreté des deux premiers groupes, les fans de Sabaton semblent beaucoup plus sérieux, et je vais vite comprendre pourquoi.

            Déjà, je vois bien qu’on est à un autre niveau. Le groupe a récréé un véritable no man’s land sur scène, avec barbelés et sacs empilés, en référence à la thématique de leur dernier album, « The War to End All Wars », la Der des Der, la Première Guerre Mondiale. Dans la fosse comme en gradins, je sens les fans au bord de l’explosion. Ca tape des pieds et des mains, ça lance des « AOUH ! AOUH ! AOUH ! » à la 300 de Frank Miller, il suffirait d’une étincelle pour mettre le feu à la poudre. Cette étincelle, c’est un pétard d’artifice, qui lance les hostilités sur Ghost Division. Il y a de la pyrotechnie, la batterie de Hannes Van Dahl est montée sur un tank, et tout le monde, même en gradins, est debout ; je vis un moment incroyable. Le chanteur se ramène tout sourire, un bazooka sur l’épaule : on sent qu’il est content d’être ici.

            En dépit de leur univers militaire, les membres ne semblent pas en posséder la rigueur : juste avant Bismarck, le guitariste et le bassiste collent des mediators sur le visage de Joakim Brodén, qui peine à garder son sérieux. Sur le plan de la mise en scène, plus de plaisanterie cependant : en plus d’un décor soigné, Sabaton nous offre un show immersif. Lances-flammes sur Into the Fire, figurants en costume historique, jeux de lumière époustouflants, et même de la fausse neige. Des projections vidéo en fond de scène qui nous replacent dans le contexte des chansons : sur The Last Stand, des armées entières défilent devant le Colisée, en référence à la naissance de la Garde Suisse; sur Carolus Rex, chantée en suédois, c’est du belliqueux Charles XII « Tête de Fer » dont il est question, avec ses étendards ornés de croix.

            Le groupe nous gâte avec une exclusivité live, la toute première de l’histoire de leurs tournées : The First Soldier, en référence à Albert Séverin Roche, surnommé « Premier Soldat de France » pour avoir fait 1180 prisonniers allemands lors de la Première Guerre Mondiale. Un drapeau français en fond de scène et des lumières tricolores définissent l’ambiance ; on est en présence d’un patriotisme sain, sans ses connotations les plus conservatrices. Les fans semblent bien le comprendre : dans la fosse et dans les gradins, rien qu’une belle énergie et la fierté de parler de son histoire. Le groupe semble bien conscient du devoir de dé-mystifier la guerre : sur leur reprise émouvante du 1916 de Motorhead, des milliers de fans lèvent la lumière de leur smartphone, et la balancent au rythme de cette ballade résolument anti-militariste.

            L’apaisement est de courte durée : des chansons plus dynamiques prennent le relai, comme Dreadnought, The Red Baron et son avion rouge, ou le dangereux scientifique de Father qui déclenche des circle pit dans la fosse. Face à tant d’énergie, le chanteur nous dit même : « I fucking love you guys ». Sur The Attack of the Dead Men, des soldats portant masques à gaz nous inondent d’une épaisse fumée, créant une ambiance troublante et irréelle.

             Les fans sont en délire. A intervalles réguliers, nous frappons de toute la force de nos pieds et jambes le sol des gradins, créant un bruit monstrueux qui résonne dans tout le Zénith. C’est notre façon à nous de marquer notre gratitude. Le groupe ne semble pas en revenir ; tous ces cris, ces vivas, ces applaudissements sincères, leur coupent littéralement la parole. Pendant plusieurs minutes, je les vois essayer de nous remercier, yeux écarquillés d’étonnement, en vain. Quand le silence revient, le chanteur nous annonce qu’on est « la salle la plus bruyante de la tournée jusque-là », ce qui déclenche un nouveau torrent de cris de joie. Son souhait ? « Que plus de gens disent que Sabaton est leur groupe préféré après le show ». Pour ça, pas de problème. Les nouveaux venus donnent de la voix pour montrer qu’ils sont là, moi la première. Les autres membres semblent particulièrement émus de cet enthousiasme. Ils décident de terminer leur set avec une chanson de paix et une pluie de confettis, sur Christmas Truce.

            C’était sans compter sur le rappel et l’énergie encore intacte des fans. Après leur faux départ, les membres reviennent avec un Primo Victoria qui crée un wall of death monstrueux. Un wall of death encore plus grand se forme sur Swedish Pagan. Un mec portant un béret, assis sur les épaules de son pote, se retrouve au centre d’un circle pit, et vit sa meilleure vie. Un petit sur les épaules de son père tape son meilleur concert. Le chanteur se moque gentiment : « Vous n’allez plus pouvoir parler demain ».  Mais on sent qu’il est touché, lui et les autres membres. Ce déferlement à la française, très typique de nos concerts, a définitivement laissé une trace. Il finit par nous dire : « Ce soir est dans le top 10 des meilleurs concerts qu’on ait faits ». Sur des milliers de concerts, ça compte.  

            Le show se termine sur un flamboyant Hell and Back, et un étrange flottement persiste dans l’air : on a du mal à croire que c’est terminé. Après un adieu au drapeau français, sorti des coulisses par le groupe et agité au travers la scène, je sors en compagnie de milliers d’autres, et remonte le parc de la Villette, apaisée et heureuse. C’était spectaculaire. Niveau scénique, je pense que je n’ai jamais été aussi comblée par un concert. Tous les groupes étaient prodigieux, et j’en ressors avec de beaux souvenirs à partager avec vous. La barre pour les prochains concerts sera haute.

A bientôt pour de nouvelles aventures !

Blandus

***

SETLIST des concerts

LORDI

Dead Again Jayne

Would You Love a Monsterman?

Thing in the Cage

Blood Red Sandman

Lucyfer Prime Evil

Devil Is a Loser

Who's Your Daddy?

Hard Rock Hallelujah

BABYMETAL

BABYMETAL DEATH

Megitsune

PA PA YA!!

METALIZM

Monochrome

Gimme Chocolate!!

Road of Resistance

SABATON

Ghost Division

Bismarck

The Last Stand

Into the Fire

Carolus Rex (version suédoise)

The First Soldier (Live premiere)

Sarajevo

Stormtroopers

1916 (cover de Motörhead)

Soldier of Heaven

Dreadnought

The Red Baron

Father

The Attack of the Dead Men

Christmas Truce

Primo Victoria

Swedish Pagans

To Hell and Back

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