20/3/2024

Metal Heroes - Infected Rain, Amaranthe, DragonForce au Bataclan

      Paris, 20 mars 2024. Il est tout pile 18h45 quand je me glisse dans la salle déjà comble. Infected Rain inaugure la première partie, dans une mise en scène très sobre, parfait écrin des protagonistes pour l’heure à suivre.

      Sous la lumière contrastée, la frontwoman Elena “Lena” Catarga mène le show avec un impactant charisme : sa crinière de dreadlocks orangés se détache de l’obscurité comme le ferait une flamme. De toute la force de son corps, elle balance des screams impressionnants, que Vadim “Vidick” Ozhog soutient de sa guitare et de ses headbangs, et Eugene Voluta de sa batterie puissante. Telle une valkyrie dans son armure de cuir, la bassiste Alice Lane en impose sur scène. Le quatuor moldave semble en parfaite harmonie, sûr de son art et uni dans la musique.

Alice et Vidick en pleine transe

      Le public le leur rend bien. Dès le début, le groupe provoque l’enthousiasme des spectateurs en proposant un wall of death dès la deuxième chanson, Pandemonium. Elena ravit les slammers sur Fighter en leur proposant de venir lui serrer la main sur le devant de la scène. Il n’en faut pas plus pour que la fosse s’enflamme. Mains levées, doigts tendus en cornes, circle pit et sauts à pieds joints; le groupe sait créer et maintenir une belle énergie tout le temps de leur passage. 

Elena high-five un fan

      De l’énergie, mais pas seulement : de belles émotions également, la voix de la chanteuse pouvant se faire aussi brutale que mélancolique, voir même enchanteresse, comme sur l'ensorcelant Never to Return. Le groupe nous entraîne dans un voyage à travers le temps et l’espace, avec un set majoritairement issu de son dernier album, Time.
      A la fin de la très personnelle et très émouvante chanson Because I let you, la voix de Lena se brise, et elle éclate en sanglots. Le public reste médusé, avant de comprendre qu’il ne s’agit pas d’une mise en scène; la chanteuse pleure vraiment, submergée d’émotions. Une voix s’élève des gradins, bientôt reprise par des centaines d’autres : “We love you !”. Alice vient la prendre dans ses bras, tandis que les deux hommes jouent sur les applaudissements et les “Wo-oho-oh-oh” du public pour créer un interlude musical, le temps que leur collègue se reprenne. Visiblement émue par notre soutien, Lena déclare : “Merci. Il est impossible de vous exprimer toutes les émotions qui passent à travers mon corps quand je chante devant vous, mais grâce à vous, je me sens en sécurité de le faire”.

      Leur partie se termine sur Sweet, sweet lies et sur le soutien indéfectible de la fosse. Ce soir, les français méritent bien leur réputation de public bienveillant et enthousiaste. 

AMARANTHE

Mikael Sehlin au sommet de son art

       Après de telles vagues d’émotions vient le temps d’un court repos. Devant moi, un homme arbore fièrement un t-shirt de la tournée 1982 de AC/DC. “J’étais même pas né à cette époque”, entends-je quelqu'un dire dans mon dos. Les doux échos de “Tears Don’t Fall” de Bullet For My Valentine grésillent dans les enceintes, et une vague de nostalgie m’envahit. Décidément, cette soirée est placée sous le signe du retour aux sources. 

       Les lumières de la salle s’éteignent, et les spots s’élèvent sur la bannière représentant une machine humanoïde, criblée de câbles, en fond de scène : THE CATALYST. L’histoire nous parvient  : les humains ont créé une machine qui les dépasse, et entraîne avec elle la destruction. Comme s’ils étaient la solution, l’atmosphère s’éclaire à l’arrivée de la chanteuse Elize Ryd et de ses compères masculins, Nils Molin au chant clair, et Mikael Sehlin à la voix death. Vêtus de cuir et cheveux au vent, les deux hommes rivalisent de leurs voix contrastées, que reprend dans les aigus celle de la chanteuse sur Fearless, dans une entrée en matière qui me donne des frissons.

      Avec Viral et Digital World, le groupe interroge en musique l’influence des réseaux sur nos vies. J’apprécie la grande variété des sonorités de chaque chanson, oscillant entre pop, death metal, et chant lyrique. Un très énergique Damnation Flame embrase la fosse, ravissant un public déjà conquis.

      Laissée seule en scène, Elize nous offre une pause pleine de douceur avec Stronger, qu’elle chante avec une poignante émotion. Baignée de lumière bleue, elle m’évoque l’image d’une sirène, ensorcelant l’audience le temps d’une ballade. 

Elize enchanteresse

      La fatigue du public, qui cherche à garder ses forces pour le reste de la soirée, commence à se faire sentir, mais le groupe sait nous maintenir en alerte par des changements de rythme, en n’hésitant pas à alterner entre chansons dynamiques (The Catalyst, Boom !) et titres plus lyriques (Amaranthine, Crystalline). Sur PvP, titre écrit pour l’équipe suédoise d’e-sports, les lumières dansantes et l’instrumentation ingénieuse de Olof, Johan et Morten (respectivement à la guitare, basse et batterie) permettent une plongée immersive dans l’univers des jeux vidéos, autre communauté chérie des amateurs de musique métallique.

      Le final sur l’incontournable The Nexus réjouit les cœurs, et des chœurs de voix reprennent le refrain, le poing en l’air. J’applaudis en songeant qu’une tournée d’Amaranthe avec Beast in Black serait du plus bon goût, car les groupes se complètent parfaitement. A quand un duo d’Elize et de Yannis ? 

DRAGONFORCE 

Herman Li et Sam Totman, transportés par la musique      

      Après un aller-retour au bar pour me rafraîchir, je reprends ma place dans une fosse de plus en plus difficile d’accès. Tout le monde se masse pour se rapprocher de la scène. Et pour cause ! Le lieu est transformé. Des machines d’arcade plus grandes que nature, encadrées de néons, sont placées de chaque côté du plateau, et des écrans géants sont installés en fond de scène. Une importante équipe technique s’affaire à vérifier que tout est en ordre, grimpant sur les bornes à l’aide d’escaliers portatifs, manipulant les câbles, jusqu’à demander à ce que la clim’ soit un peu augmentée. Surgissant des coulisses, le guitariste Herman Li vérifie une des machines, et le public l’acclame. Malicieux, il nous fait le signe “Chut!”, et disparaît de nouveau.

      L’impatience grandit, nourrie par la nostalgie qu’inspire ce groupe pour beaucoup de fans, moi la première. Enfin, le groupe arrive sur scène, et nous balance un Revolution Deathsquad de 7 minutes 50 qui nous laisse sans voix. La technique est impeccable, les solos sont contrôlés, la voix du chanteur Marc Hudson vole sur la musique. Cette entrée en matière prometteuse provoque une excitation perceptible : “Et ce n’est que la première chanson !” s’exclame un homme devant moi. 

Marc Hudson attrapant le POULET ! POULET ! POULET ! 

     Le groupe suit avec un magnifique Cry Thunder, dont le refrain nous unit dans un même hurlement. Le pouvoir du metal coule dans nos veines, nous donne de la ferveur. Mais c’est Power of the Triforce, issu de leur dernier album Warp Speed Warriors, qui établit l’atmosphère de la soirée. Le chanteur, dont les cheveux pâles ne sont pas sans rappeler ceux du héros d’une certaine saga, saisit dans ses mains une peluche géante de poulet. “Je veux que cette peluche fasse le tour de la fosse; je veux même la voir surfer sur le public dans les gradins”. Il n’en faut pas plus pour les parisiens relèvent le challenge : en trois minutes, le poulet a déjà fait le tour de la salle, en haut, en bas, à gauche, à droite, prenant exemple sur les musiciens et musiciennes (Alicia Vigil, tout sourire, à la basse) qui grimpent sur les bornes d’arcade, en descendent et changent de place dans une chorégraphie bien contrôlée. La fin de la chanson est applaudie au rythme d’un “Poulet ! Poulet ! Poulet !” qui résonnera encore un grand nombre de fois pendant la soirée. 

Alicia Vigil, tout sourire à la basse

      Le groupe nous fait faire des sauts dans le temps, nous proposant des chansons issues de leurs commencements, comme Soldiers of the Wasteland, autant que des morceaux plus récents. En délire sur The Last Dragonborn, la fosse s’asseoit et se met à ramer en rythme. Sur Fury of the Storm, je retrouve mes années collège, les albums Sonic Firestorm  et Inhuman Rampage, les premiers émois du metal; ce groupe est une petite madeleine de Proust. Il n’y a rien d’autre à dire : c’est toujours génial, c’est exactement comme dans mes souvenirs, et la qualité du spectacle est irréprochable. 

     Le poulet, de plus en plus déplumé, projette son rembourrage sur le public qui se le balance. Après un Doomsday Party, dont les accents disco nous fait danser sous une pluie de confettis multicolores, le groupe fait venir sur scène deux énormes têtes de dragon, fabuleusement belles, qui s’animent quand la reprise metal de My Heart Will Go On résonne dans la salle. La fosse est déchaînée, et toujours prête à en découdre, même sur du Céline Dion. Notre dynamisme impressionne le guitariste, qui, en français, déclare : “Vous êtes tarés, fadas, je ne sais pas moi !”, avant de demander un circle pit sur leur reprise de Wildest Dreams de Taylor Swift. Il n’y a pas à dire, nous savons aussi apprécier le second degré. 

      La fin du concert arrive, et à regret; nous nous amusons tellement. J’ai rarement vu autant de bonheur intact dans une salle de spectacle. Cependant, le groupe a conscience qu’il ne peut décemment pas nous laisser partir sans nous offrir une ultime chanson, celle qui a fait s’arracher les cheveux à tant de personnes sur Guitar Hero : Through the Fire and Flames. Les premiers accords provoquent un cri de joie, les pogos enchaînent, les langues se délient, et nous chantons de tout notre cœur : “THROUGH THE FIRE AND FLAMES WE CARRY ON !”. 

     Je quitte le concert le cœur gonflé de nostalgie, comme une enfant qui quitte une fête foraine merveilleuse. C’était presque trop court, mais je ne ressens ni manque, ni regret. Je retiens de cette soirée la belle découverte de Infected Rain, la puissance d’Amaranthe, mais surtout, l’énergie draconienne du quintet britannique. Je rentre chez moi en vélo deux fois plus vite que d’habitude, au son de Valley of the Damned; méthode garantie pour vous préparer aux prochains J.O.

Texte : Blandus

Photos : Clément COUPIN

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