25/10/2023

Punk is not dead

Le Bataclan accueille, en ce mercredi soir d’octobre, une soirée dédiée au « Punk(s) ». La programmation va nous proposer quatre groupes qui vont nous faire voyager en Europe au travers des codes du genre. Pour chaperonner l’ensemble ce sont les mythiques The Exploited qui sont tête d’affiche et qui seront le trait d’union historique en tant qu’influence des groupes qui vont suivre. Depuis la fin des années 70 le « Trash Punk » des Ecossais est une valeur sûre et le groupe s’est forgé une solide réputation en live. Le line-up originel a considérablement évolué au fil des années mais il est toujours porté par l’étonnant, le charismatique, et désormais grand-père punk qu’est Wattie Buchan. Nous reviendrons plus tard sur le personnage et sa prestation.

Le public, pour l’occasion, arbore fièrement ses plus belles crêtes aux multiples couleurs, ses vestes cloutées au cuir luisant, ses ornements divers et variés en métaux qui scintillent et ses Dr Martens ou bottes noires parfaitement cirées. Ajoutons à cela des pantalons aux motifs écossais pour certains, d’autres en cuir ou des jeans parfaitement déchirés… Mine de rien, le punk moderne est beaucoup plus coquet que ce que sa caricature laisse imaginer… Grâce à eux cette imagerie, proche du cosplay, nous met direct dans l’ambiance…

A 18h30, lors du lancement de la soirée, le public est encore clairsemé. C’est logiquement un peu tôt pour de nombreux Parisiens, même punks. C’est dommage pour eux car, me concernant, Grade 2 sera la plus belle surprise de la soirée. Le jeune power trio anglais de l’île de Wight (une île dans l’île… pour eux c’est iconoclaste…) va être une parfaite mise en bouche.

Grade 2

Le chant alterne entre le bassiste Jack Chatfield (arborant un t-shirt The Who), et Sid Ryan le guitariste (portant lui du Agnostic Front). Ce dernier a un jeu plaisant et assez clair pour du punk mais qui est compensé par une posture tout en jambes écartées à la limite de l’équerre. Musicalement c’est plus technique qu’il n’y paraît mais c’est potache donc on reste dans les codes. On pense à Fidlar dans le rythme et pour les thèmes évoqués dans les paroles. Le chant, lui, est plutôt déclamatoire à la Sleaford Mods et confère cette identité « so British » au groupe.

Les bons morceaux s’enchainent, les deux « front mens » et le batteur sont au taquet et alternent régulièrement entre le micro de droite et celui de gauche. Mais les spectateurs sont toujours sur la réserve. N’ayant pas encore de titres assez connus du public français, ils enclenchent avec « Where Eagles Dare », une reprise des Misfits… Succès immédiat !!! Le foot tapping se fait sentir, le public commence à brailler avec eux et les premiers pogos et circle pits commencent à se former. Au bout d’une grosse demi-heure, trop vite passée, ils quittent la scène sous les applaudissements nourris et avec un goût de trop peu qui donne envie de les revoir au plus vite et d’écouter leurs albums.

The Baboon Show

Un petit quart d’heure de pause plus tard, nous montons au nord de l’Europe pour un safari scandinave avec The Baboon Show… (pas très logique, me direz-vous, et vous aurez raison…).Le show babouin des Suédois est assez différent de celui qui vient de nous être proposé. Le style musical est plus classique, plutôt garage rock que punk… Le thème de la soirée sera surtout respecté et bien représenté par Cecilia Boström, la chanteuse, dont la dépense d’énergie ne peut que forcer le respect…Elle aura largement fait ses pas de la journée en arpentant la scène de bout en bout, en haranguant les premiers rangs et en se lançant dans un vrai crowd surfing. Idem pour la bassiste, Frida Stahl, dont le style et les pauses instagramables alimentent parfaitement les caricatures du genre. L’ensemble reste convenable, sympathique, mais avec une mise en scène un peu lourde qui ira jusqu’à mettre en place une «fausse battle» un peu convenue pour du punk… On est plus dans le Shaka Ponk que dans le Sex Pistols, babouin oblige…

Nous poursuivons ce voyage en terre musicale iconoclaste avec Lion’s Law qui, comme son nom ne l’indique pas, sont les régionaux de l’étape. Les Parisiens, tous chauves hormis le batteur, sont issus de la scène skinhead dite « SHARP »,antifasciste et antiraciste. Si on applique le vocabulaire métalleux, on appelle cela du « Oi! » (écoutez le morceau « Sons of Oi! », vous comprendrez ou pas le concept…) un style popularisé, entre autres, par The Exploited qui vont suivre.

Lion's Law

Le frontman, Victor Lapprend (dont le surnom est « Wattie » ce qui, compte tenu de ce qui nous attend, n’est pas un hasard) et ses bretelles, vont radicalement changer l’ambiance. On passe au punk à la française et c’est beaucoup plus brut… Le concept est de bâtir un mur de son et les maçons sont là. L’un d’eux est plus subtil et taquine sa gratte avec une gestuelle ressemblant à celle de Joey Santiago des Pixies. Le chant, lui, est guttural et alterne entre français et anglais. Perso je les comprends peu mais le public, plutôt au diapason, reprend les paroles en chœur entre autres sur « Destin Criminel » ou « Zonard ».On est dans un mélange détonnant entre Dropkick Murphys et les Béruriers Noirs.« Ce serait drôle de chanter du Renaud… », nous propose Victor, avant un « For my Clan » qui va conclure un set de 17 morceaux en une heure rondement mené et donc sans temps mort.

A 21h20 les lumières s’éteignent pour le moment qui a mobilisé la majorité du public. Wattie et sa mythique crête rouge entre en scène. A désormais 66 ans il est un peu l’un des derniers des Mohicans du Punk, à la fois représentant et caricature d’un genre musical et d’une époque où la musique en club se vivait de manière bien moins conventionnelle qu’aujourd’hui. Torse nu, et aussi bien affûté qu’Iggy Pop, il apparaît en forme même si sa démarche laisse parfois paraître le poids des années. Idem pour son frère Wullie toujours présent derrière les fûts et fidèle au poste malgré quelques récents soucis de santé. A la guitare, Irish Rob le plus jeune, toujours souriant, officie avec sa bonne humeur communicative habituelle.

Le set débute avec« Let’s start a war » (un hommage presque subtil à Margaret Tatcher). A priori, le public n’avait pas besoin de cet appel facile à pogoter pour commencer à se déchaîner. Le sol tremble… « Fight back »,« Dogs of war », « The Massacre » vont suivre… Les titres donnent une assez bonne évocation de la volonté du groupe. Pour notre plus grand plaisir la palette complète du métalleux est déballée. Pogos bienveillants, slams, circle pits… tout y passe…Ce qui est assez surprenant c’est l’âge des protagonistes. C’est ultra varié…On croise des vieux routiers du punk qui suivent le groupe depuis ses débuts(plutôt au fond vers le bar), des quadras qui venaient de naître quand The Exploited a débuté sa carrière (je rentre dans cette catégorie…), des Emos à la vingtaine ultra lookés et, plus surprenant, quelques gosses d’une dizaine d’années (probablement issus des quadras susmentionnés) qui ont visiblement été ravis, pour une fois, d’accompagner leurs parents. En effet, lorsque le plus téméraire d’entre eux a été le premier à faire « comme les grands »et est monté sur scène, pour redescendre, il a été obligé de découvrir le slam…Et visiblement il a kiffé… Il est rapidement rejoint par ses petits camarades qui vont vite y trouver un roller coaster gratuit que l’on peut faire plusieurs fois sans faire la queue. Inutile de dire que les punks de la salle feront tout leur possible pour que les « kids » passent un bon moment. Ils devraient garder de sacrés souvenirs de ce concert et permettrons peut-être de faire perdurer cet état d’esprit et d’assurer la relève.

Cet énergique spectacle se déroule également sous les yeux du groupe, presque spectateur lui aussi, mais qui ne se laisse pas aller et qui délivre tout ce que l’on attend de lui. Les morceaux de moins de trois minutes, sans subtilité, s’enchaînent sans pause. Irish Rob s’éclate et fait voler ses dreadlocks dans les airs. La basse et la batterie imposent la lourdeur adéquate. Wattie est tout en sueur et fidèle à sa réputation avec ses mimiques inimitables. Que ce soit pendant ou entre les morceaux, les « FUCK (off) » s’enchaînent… C’est d’ailleurs la seule parole récurrente qui sera véritablement intelligible et c’est normal. Il arpente la scène de droite à gauche, tendant son micro à destination des spectateurs en « frontline » et les invitant à participer à ce concours de chant.

Participation qui vase poursuivre quelques morceaux plus tard lorsque notre Iroquois écossais va appeler le public à le rejoindre sur l’estrade. La scène est alors prise d’assaut, on dirait une station de métro parisienne à une heure de forte affluence. Mais l’ambiance n’est pas la même… C’est le début d’un gentil bordel qui verra les spectateurs se défouler, slamer au-dessus des artistes, dévoiler des poitrines, sauter dans tous les sens. Même les manteaux volent…

Après 1h20 d’un set de22 morceaux intenses, la coloration rouge des cheveux de Wattie commence à déteindre et lui coule dans le dos. Il est temps de mettre un terme à cette belle soirée et l’enthousiasme du public, de 7 à 77 ans, vis-à-vis de la qualité de la performance sera reconnue unanimement lors de la sortie des artistes par une acclamation émouvante.

Punk is not dead !!!

Texte & Photo : L'humeur musicale

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