5/7/2024

TOOL, Accor Arena, Paris, 5 juin 2024

TOOL, Accor Arena, Paris, 5 juin 2024

J’ai de nouveau une belle histoire à vous conter. Une histoire d’intensité musicale, de poésie mystique et de fascination évolutive. C’est un honneur de partager avec vous l’inoubliable concert de TOOL à l’Accor Arena de Paris, en cette année 2024.

Photo par Emilie Bardalou

 

À l’aube des années 90, un projet sans précédent voit le jour à Los Angeles. TOOL prend forme au gré des expérimentations de quatre musiciens tous aussi talentueux les uns que les autres : la voix de Maynard James Keenan s’ajoute à la guitare d’Adam Jones, le tout soutenu par la batterie de Danny Carey et la basse de Paul D’Amour, ensuite remplacé par Justin Chancellor. Leur musique est imprégnée d’inspirations alternatives des 90s et contraste avec ce que l’on pouvait écouter à l’époque dans la Cité des Anges, ville que les artistes critiquent bien volontiers au travers de leur poésie sombre. C’est presque instantanément que TOOL monte en puissance et se positionne au sommet de la scène musicale américaine et mondiale. Le groupe répond à une demande puissante, un besoin de libération, d’indépendance, d’expression et devient une figure emblématique du métal alternatif/progressif. Ils développent au fil des années un univers musical et visuel à la croisée du progressif et du psychédélique. Au cours de leur carrière, les musiciens alimentent volontairement le mystère autour de TOOL ce qui renforce de plus belle le côté énigmatique du groupe.

 

Après cette succincte présentation, j’ai la joie et l’honneur de partager avec vous ma seconde expérience avec TOOL sur scène. En entrant dans l’enceinte de l’Accor Arena, je suis marquée par l’immense diversité d’un large public célébrant ensemble le même univers musical.

 

Photo par Emilie Bardalou

 

Premier Set : Voyage dans l’espace et le temps

 

L’impatience me gagne lorsque je prends place dans les gradins. L’expérience est immédiate lorsque le groupe introduit avec puissance « Jambi » du joyau que constitue l’album « 10,000 Days ». Je retiens ma respiration et je suis prête à accueillir la musique de TOOL. Les quatre musiciens jouent en symbiose, ils sont éclairés par d’intenses jeux de lumière et me projettent sans attendre dans leur univers musical unique.

 

Prayed like a martyr dusk to dawn

Begged like a hooker all night long

Tempted the devil with my song

And got what I wanted all along

 

Le groupe poursuit avec le dorénavant incontournable « Fear Inoculum », le premier titre de l’album au même nom. Danny Carey annonce le morceau par les percussions électroniques iconiques de ce début d’album, Adam Jones fait alors résonner sa guitare en cohésion avec la basse de Justin Chancellor. L’atmosphère musicale est aussi large que variée, le tout propulsé par des touches métalliques authentiques. Les lumières semblent projeter sur scène l’image d’une sorte de peau de serpent craquelée, vrombissante et interminable, quelque chose d’à la fois vivant et mécanique.

 

Exorcise the spectacle

Exorcise the malady

Exorcise the disparate

Poison for eternity

Purge me and evacuate

The venom and the fear that binds me

 

           Le calme revient pour un court instant. Mon cœur saute un battement lorsque je reconnais « Lost Keys (Blame Hofmann) », la chanson qui introduit ensuite le célèbre morceau « Rosetta Stoned », véritable chef-d’œuvre toolien de l’album « 10,000 Days ». La voix de Maynard James Keenan est étouffée, ses paroles sont vives et successives, le chanteur ne prend même plus sa respiration. Cette chanson est l’archétype de l’humour noir et décalé de TOOL. Elle décrit l’expérience psychotique de quelqu’un qui délire et s’élève au rang d’élu, mais qui reste avant tout un être humain comme les autres. Nous vivons par procuration ce voyage intérieur marqué par une forme d’ironie critique. Cette dérision contraste avec la musique mystique et grandiloquente qui est toujours la marque de fabrique de TOOL.

 

Overwhelmed as one would be, placed in my position

Such a heavy burdennow to be the one

Born to bear and readto all

The details of ourending

To write it down forall the world to see

But I forgot my pen

Shit the bed again

Typical

Photo par Emilie Bardalou

Batterie ? Danny ? Sa frappe est reconnaissable entre mille, il témoigne d’une maitrise prodigieuse de son instrument. Bouche bée par sa technicité et sa virtuosité

           Les lumières se referment sur le public encore assoiffé de musique. Le silence est de courte durée car rapidement, la foule reconnaît les premières notes de« Pneuma ». L’atmosphère est intense et progressive, les quatre musiciens jouent des lignes qui s’entrecroisent pour former une arabesque musicale. La chanson témoigne du talent et la créativité de Danny Carey, particulièrement sur la deuxième partie du morceau durant laquelle il dévoile et met en œuvre toute sa technicité et virtuosité, un véritable plaisir à la fois pour les yeux et les oreilles. Cette chanson résonne dans mes tympans comme une ode à l’espoir, nous rappelant les valeurs fondamentales unissant la lignée humaine que nous constituons.

 

Bound to this flesh

This guise, this mask, this dream

Wake up, remember

We are born of one breath, one word

We are all one spark,

Sun becoming

       

            Quelque chose change dans la pression de l’air et dans les jeux de lumière. Nous faisons un bond en arrière lorsque TOOL entame« Intolerance », la toute première chanson de leur premier album, j’ai nommé « Undertow ». Est projetée sobrement au mur la couverture de l’album en question afin de permettre un véritable retour aux origines du projet. Les sonorités sont lourdes nous maintiennent au sol. Leur esprit vif et critique est ici relevé et reflète parfaitement l’idéologie du groupe à son stade embryonnaire. Le chant de Maynard James Keenan est teinté d’ironie telle qu’on peut parfois la retrouver dans l’un de ses multiples autres projets.

 

See I want to believe in you

And I want to believe you

And I wanted to trust you

And I want to have faith to put away the dagger

But you lie, cheat, and steal

You lie, cheat, and steal,

You lie, cheat, and steal

(…)

I’m not innocent

No one is innocent

 

           Le groupe change soudainement de registre et nous entrons alors en apesanteur lorsque démarre « Descending » de leur album le plus récent. Le son est large et étoffé ce qui rend l’ensemble aussi mystique que mystérieux. Par cet autre bond dans le temps, nous comprenons tout le chemin parcouru par TOOL au fil de ses expérimentations musicales. Nous entendons ici la touche de quatre perfectionnistes.

 

Free fall through this boundlessness

This madness of our own making

Falling isn't flying

Floating isn't infinite

 

           Le public éclate en applaudissement lorsque « The Grudge » résonne dans toute la salle. Derrière les musiciens, sont projetés des visages défigurés par la rancœur dont le regard est torturé par le regret. L’inspiration psychédélique et progressive de TOOL se retrouve aussi bien dans leur musique que dans leur visuel. À la fin du morceau, nous entendons un scream puissant par-dessus un chaos paradoxalement organisé. Puis, les lumières de la salle se rallument, un décompte apparaît sur la scène et nous sommes invités à garder notre mal en patience avant la seconde partie du set.

 

Give away the stone

Let the oceans take and transmutate this cold and fated anchor

Give away the stone

Let the waters kiss and transmutate these leaden grudges into gold

 

Photo par Emilie Bardalou

 

Second Set : L’expérimentation des sons

 

De retour en salle, le public achève le décompte : « 3… 2… 1… 0 », le décollage est immédiat. Une forme lumineuse et étrange monte sur scène. Il me faut quelques secondes avant de reconnaître Danny Carey de dos, portant une tenue astrale qui irradie comme un cosmos phosphorescent. Notre voyage psychédélique est renforcé par l’immense gong de cuivre que fait retentir le batteur de TOOL, dont les coups font trembler le mur du son. Puis, ce dernier s’improvise magicien du son et organise ses percussions électroniques afin de produire un morceau expérimental se rapprochant grandement du titre « Chocolate Chip Trip ». Une fois avoir trouvée la fenêtre musicale qu’il cherchait, Danny Carey se replace fièrement derrière sa batterie et vient agrémenter le son électronique d’un solo endiablé et organique. Le jeu des caméras met en perspective ses prouesses techniques et expérimentales. Les images projettent le batteur sous un angle psychédélique et sa performance nous laisse bouche bée. Danny Carey laisse sa place à la basse de Justin Chancellor, prenant le relai dans ce parcours semé d’étrangeté sonore. Il expérimente alors les sons émis par son pedalboard et l’ambiance de la salle s’alourdie.

 

           Lorsqu'Adam Jones rejoint enfin ses acolytes sur scène, une toute autre dimension s’ouvre à nous. Les instruments résonnent d’une façon différente, le son est dense et presque granuleux. Le morceau « Flood » de l’album « Undertow », assombri l’atmosphère. Les confettis qui déferlent sur le public tombent alors comme une pluie acide, inondant chaque retranchement des gradins.

 

           Une seconde plus tard, le riff de guitare nous ramène sur terre et la foule reconnaît immédiatement le magnifique titre « Invincible ». La guitare s’allie parfaitement avec les mélodies de chant et les percussions guerrières apportent à l’ensemble un aspect quasiment mythologique.

 

Beating chest and drums

Beating tired bones again

Age-old battle, mine

Weapon out and belly in

 

Beating tired bones

Tripping through remember when

Once invincible

Now the armor’s wearing thin

Heavy shield down

Photo par Emilie Bardalou

           

Le temps est suspendu lorsque s’achève cette longue épopée musicale. Maynard James Keenan nous indique gentiment que l’on peut dorénavant sortir nos « stupid phones » de nos poches afin d’immortaliser digitalement ce moment, mais personne n’était réellement prêt lorsque les premières notes de « Stinkfist » se sont faites entendre. L’introduction puissante du titre laisse place à un voile sonore mettant la foule en tension. Les spécialistes auront reconnu une version alternative du morceau, laissant même les plus fins connaisseurs agréablement surpris et comblés.

 

Just not enough

I need more

Nothing seems to satisfy

I said I don't want it

I just need it

To breathe, to feel, to know I'm alive

 

Sous un tonnerre d’applaudissement, TOOL salue et remercie la foule avant de retourner en coulisses. Je reste abasourdie et sous le choc par la performance à laquelle je viens d’assister. J’ai pourtant déjà hâte de les retrouver de nouveau sur scène et je me réjouis de partager avec vous cette magnifique expérience.

Garance Ameline

Photo par Emilie Bardalou
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