Par Olivier Carle
Photo : François Capdeville
Autant le préciser d'entrée de jeu, je ne suis certainement pas le plus grand fan de Barclay James Harvest qui soit... Je les ai découverts à l'aube des années 80 avec le légendaire Live à Berlin enregistré à proximité du mur devant une foule immense de 175.000 personnes. J'avoue avoir préféré à l'époque dans la catégorie prog' des groupes comme Genesis, Yes, Saga ou Emerson, Lake & Palmer. Je trouvais le style de BJH trop folk et surtout plus pop que rock, à l'instar des Moody Blues, de Van Der Graaf Generator ou de Mike Oldfield. Mon premier contact scénique fut avec leur claviériste Woolly Wolstenholme qui venait de quitter le quartet pour une carrière solo avec son propre groupe Maestoso. C'était en 1982, en 1ère partie de Saga, à la Philipshalle de Düsseldorf et autant j'avais adoré les Canadiens, autant Maestoso m'avait prodigieusement ennuyé. J'ai décidé d'aller voir le groupe avec le trio fondateur de John Lees, Les Holroyd et Mel Pritchard une dizaine d'années plus tard, en 1993 à la Tanzbrunnen de Cologne. Pourquoi en Allemagne me direz-vous, tout simplement parce que les Britanniques sont des “stars” outre-Rhin et que j'habitais là-bas à l'époque !
Malheureusement, cet essai ne fut guère plus concluant et je m'étais juré à l'époque de laisser tomber définitivement BJH. Entre temps le groupe s'est scindé en deux entités distinctes, celle de John en 1998 et celle de Les en 2002. Woolly avait rejoint John à cette occasion mais il s'est suicidé en 2010. Quant à Mel qui était resté avec Les, il est mort en 2004. Il ne reste donc plus aujourd'hui que John et Les d'origine et les deux tournent chacun de leur côté. Cette tournée 2023 de la version John Lees était la dernière chance de revoir BJH et je décidai de mettre de côté mes mauvais souvenirs pour renouer avec ce patrimoine du prog' ! Je ne dirai pas que je suis ressorti totalement conquis de Pleyel mais la prestation fut plutôt réussie dans le genre.
La formation de John est la même depuis 1998 à l'exception du claviériste puisque Woolly n'est plus là. Je retrouve d'ailleurs Kevin Whitehead à la batterie et Craig Fletcher à la basse qui faisaient déjà partie de Maestoso au début des années 80. Le “petit” nouveau c'est Jez Smith qui s'occupe des claviers depuis une quinzaine d'années. Le chant est souvent assuré par Craig mais John continue à prendre parfois le micro du haut de ses 76 printemps. La scène est assez sobre même si on aura droit à quelques projections des visuels qui ont émaillé la carrière discographique des Britanniques et à des photos d'archives. La setlist revisite presque exclusivement la trentaine d'années de la formation originelle de BJH... Le quartet monte sur scène à 20h35 pour deux heures de voyage à travers le temps. Ca commence fort bien avec le très mélancolique “Fifties Child” de l'album “Ring Of Changes” de 1983. On reste dans le même registre avec cet hommage aux enfants victimes des guerres “Child Of The Universe” qui date de 1974 mais qui garde malheureusement toute son actualité. On avait à l'époque, et à juste titre, comparé BJH aux Moody Blues et John en avait fait une chanson en 1977 en réponse à ses détracteurs “Poor Man's Moody Blues” qui ressemble étrangement à “Nights In White Satin”. Cette chanson sera très appréciée par le public de Pleyel. Petit détour ensuite par le plus léger “In My Life” issu de l'album “Time Honoured Ghosts” de 1975. Son plus 90's ensuite avec l'envoûtant “If Love Is King” de “Welcome To The Show” qui rappelle un peu le Alan Parsons Project. Avec son intro qui ressemble étrangement à celle de “Crusader” de Saxon, on passe le cap des années 2000 avec “North” (2013) qui sera le seul morceau de la période “Barclay James Harvest Through The Eyes Of John Lees” de la soirée. Il rappelle que BJH vient du Nord du Royaume-Uni, là “où il pleut tout le temps sauf un jour dans l'année que les locaux appellent le jour d'été” dixit John hilare. Le rythme s'accélère enfin un peu avec l'entraînant “Cheap The Bullet” qui sonne très FM pour mon plus grand plaisir. Encore un extrait de “Welcome To The Show” de 1990 qui m'incite à redécouvrir cet album passé quelque peu inaperçu à l'époque.
Devant l'accueil chaleureux du public français, Craig nous annonce un “cadeau”(comme à Liège la veille !) et ce sera le classique “Mockingbird” très attendu par les fans. Sur l'écran apparaît maintenant le clown triste de l'album “Victim Of Circumstances” dont j'aimais beaucoup le titre éponyme en 1984 et dont je possède toujours le Maxi 45T mais c'est “For Your Love” qui sera choisi ce soir, dommage car je le trouve beaucoup plus mièvre ! Le beau papillon de l'album “XII” lui succède et c'est “Loving Is Easy” qui nous est proposémaintenant, sympa mais sans plus. Le visuel d'”Octoberon” de 1976 est maintenant projeté derrière les musiciens pour un poignant “Suicide ?”prémonitoire à l'époque et agrémenté d'un très beau solo de John. Les photos des 4 membres originaux apparaissent maintenant, l'occasion pour Craig de se moquer gentiment de John en disant qu'il a à peine changé depuis 50 ans. C'est aussi le moment de revisiter un extrait de l'album de 1971 “Barclay James Harvest And Other Short Stories” avec un lancinant “Medicine Man” qui sonne psychédélique et très représentatif du prog' des années 70. On reste dans la même ambiance et le même album avec “The Poet” suivi de “After The Day” qui nous replongent plus d'un demi-siècle en arrière, un grand moment !
C'est maintenant l'heure du rappel. Jez nous explique que le morceau à venir, “Dark Now My Sky” du tout premier album de BJH en 1970, a été réinterprété il y a peu au Royaume-Uni avec un grand orchestre de 80 musiciens. Là ils vont nous le faire en petit comité pour la seconde fois, la première ayant eu lieu la veille à Liège pour la partie continentale de la tournée d'adieu. Ça commence avec des roulements de tambour et les envolées de clavier de Jez... On dirait un peu du Aphrodite's Child et il faut reconnaître que ça sonne très vintage pour le plus grand plaisir des anciens “baba cools” recyclés en sexagénaires grisonnants qui sont aux anges ! Et comment ne pas finir ce concert sans le classique “Hymn” de 1977 qui ouvrait “Gone To Earth” à l'époque.
Au final, on peut dire que Barclay James Harvest a réussi son dernier “tour de force” et les sourires rencontrés à la sortie de Pleyel en témoignent. Personnellement je suis content de les avoir vus une ultime fois même si musicalement j'ai toujours un peu de mal à y trouver mon compte.
Merci à Richard Walter Productions.
Olivier Carle