Il n’y a qu’aux concerts d’Ultra Vomit que l’on peut entendre un mec hurler “DIGITAL CACAAAAAAA” et que ça soit parfaitement normal. Il n’y a qu’aux concerts d’Ultra Vomit que l’on peut faire un “wall of chiasse”, et qu’on peut se tabasser dans le pit sur une chanson parlant de “petits gâteaux”. Bref, vous l’aurez compris, il n’y a que dans les concerts d’Ultra Vomit que l’on retrouve cette ambiance délurée made in France, totalement décomplexée, qui fait notre plus grand bonheur.
Après 2 mois - très longs si on l’en croit les musiciens Fetus, Flockos, Manard et Matthieu Bausson - sans concerts, le groupe revient en force à l’occasion de la sortie de son dernier album, Le pouvoir de la puissance. En fond de scène, un écran, et un décor évoquant les cinémas des années 30, colonnades art déco et lettres néon U et V. En fond sonore, une musique d’ascenseur (la plus clichée du monde).
Le groupe fait son entrée avec la projection d’un clip sur la musique de Dead Robot Zombie Cop, “50% mort, 50% vivant, 100% flic”. Un générique se déroule à la fin de la chanson, et le quatuor remercie le public et fait mine de partir, avant de se raviser en plaisantant. Ils semblent heureux de nous revoir : le chanteur Fetus n’a pas changé d’un iota (aurait-il le secret de la jeunesse éternelle ?), le guitariste Flockos arbore une crête violette et une barbe grisonnante, le batteur Manard porte son plus beau t-shirt Dead Alive (“fan de gore et de films d’horreur” dit-il dans la chanson Ültrus Crew), et le bassiste Matthieu Bausson est toujours le plus jeune.

Après avoir échangé quelques plaisanteries, le groupe nous régale avec un de leurs anciens tubes : Quand j’étais petit. J’en vois se précipiter en fosse pour participer aux réjouissances, tandis que le reste de la salle (comble) hurle en chœur “Ta gueule ! J’fais du rock’n’roll !”. Mais ceci n’était qu’un échauffement : avec Takoyaki et Le Coq, le pit s’élargit davantage, et la baston commence. J’y prends part avec joie, jouant des coudes et des poings, et imitant le gallinacé avec d’autres confrères métalleux.
“Vous pensez vraiment que vous êtes ici, dans cette salle, hein ? Et vous pensez, ah, j’en ris d’avance, que vous êtes sur TERRE ?” nous lance Fetus depuis son estrade. “Eh bien non, car… NOUS VIVONS TOUS DANS LE VENTRE D’UN CHIEN GÉANT !”. Nouvelles minutes de folie dans la salle. “D’ailleurs, vous aimez bien les chiens, ou les chats ? Qui parmi vous possède des chats ?”. “Ah, non, Fetus !” reprend Manard depuis sa batterie. “Ce ne sont pas nous qui possédons les chats… CE SONT LES CHATS QUI NOUS POSSÈDENT !”. Et, évidemment, pour le groupe d’enchaîner avec ce titre incontournable du dernier album, Toxoplasma gondii (Felinus sanctus). Vraiment, il n’y a que dans les concerts d’UV que l’on peut voir deux cent personnes lever leurs doigts de métal dans les airs, et headbanger en rythme sur un hymne satanique dédié aux chats, dans une atmosphère n’ayant rien à envier aux meilleurs concerts de black metal.

Impossible, suite à cela, de ne pas jouer Doigts de métal, un morceau à la sauce Orelsan, qui unit les métalleux et fait émerger de l’obscurité une marée de mains à cornes. Le groupe remonte le cours de ses derniers albums, avec E-Tron (issu de Panzer Surprise) et Mechanical Chiwawa (issu de Objectif : Thunes). Si je m’essouffle à la fin de cette dernière, le reste de la confrérie métallique est au taquet : une énergie étonnante est libérée sur Patatas Bravas, et la fosse est tellement déchaînée que j’ai l’impression que je me retrouve au concert de Ska-P au Zénith en 2008 (qui reste, dans mes annales, le concert le plus éprouvant physiquement que j’ai jamais fait).
Pour les 20 ans (déjà !) de leur premier album Mr. Patate, Ultra Vomit nous joue le classique I like to vomit, et poursuit avec un Calojira qui transforme la salle en karaoké géant, portant la voix de plus de mille personnes hurlant “FACE À LA MER”.
N’étant jamais à court de poésie scatologique, un thème longuement repris dans leur dernier album, le groupe nous fait nous trémousser tous ensemble sur GPT (à l’instant).Je n’ose imaginer la réaction d’une personne innocente, rentrant par mégarde dans la salle, qui se retrouverait face à une horde de métalleux en furie aboyant : “J’AI PÉTÉ J’AI PÉTÉ J’AI PÉTÉ A L’INSTANT ET CA PUE LA MERDE”, juste avant de voir le public se scindre en deux pour réaliser un “wall of chiasse” sur la chanson Pipi VS Caca. Même à l’écrire, je me demande vraiment ce que je rédige.

Suants et essoufflés, nous nous lançons cependant de nouveau dans les pogos les plus bestiaux sur le grand classique Boulangerie Pâtisserie, et avons l’honneur d’assister à la première inédite de Tikawahukwa. Puis c’est la fameuse “Minute Manard” : le batteur, léguant ses baguettes à Flockos le temps d’une intervention, nous avoue qu’il avait d’abord rêvé d’être guitariste (“c’est raté”), avant d’être batteur (“c’est raté”), mais que son plus grand rêve était d’être chanteur. Un rêve qu’il souhaiterait réaliser avec nous ce soir en chantant de tout son cœur une chanson de Joe Dassin, Dans les yeux d’Émilie. Sous les encouragements du public, qui lui envoie des cœurs avec les doigts (de métal), le batteur nous en offre une version punk que la fosse s’empresse de reprendre avec joie, tandis que Flockos assure à la batterie. Pas de doute, au-delà de leur humour et de leur sens du spectacle, ce sont des musiciens sérieux et talentueux. Et ce n’est pas eux qui le disent !
L’énergie commence à manquer, et les gorges sont sèches, mais personne n’ose aller se reprendre un verre ou même passer aux toilettes : il n’est pas question de manquer une seule seconde du show. Le quatuor, lui, s’accorde une petite pause rafraîchissante avec Keken, avant de remercier tous les techniciens qui les accompagnent, dans l’ombre, sur la tournée (lumières, retour son, roadies, vidéo…) et de leur dédier Ricard Peinard, leur fameuse parodie métal de Renaud. Que l’on aime la boisson anisée ou non, le public s’unit en se tenant par les épaules, et chante en chœur tout en se balançant de gauche à droite : “Laissez-moi boire mon Ricard peinard…”. Un beau moment de collectivité.

Le spectacle s’achève avec les grands classiques d’UV, qui nous requinquent juste assez pour tenir jusqu’au bout : Je Collectionne des Canards (avec Andréa dans son plus beau costume de plumes blanches), Évier Métal (qui nous éclaire quand il brille dans la nuit), La puissance du pouvoir, et l’incontournable Kammthaar (c’est mon camion !). Mais alors que ce final en puissance aurait pu couronner une soirée mémorable, le groupe décide de terminer sur une note plus personnelle. Oui, “ils pourraient écrire des chansons sur des dragons et des chevaliers”, mais c’est quand même plus marrant d’écrire une chanson nommée A.N.U.S, et de nous laisser sur ça.
Pour leur seule date francilienne de l’année, le quatuor nantais nous a offert un concert à la hauteur de nos attentes, digne d’eux et digne de nous. Couverts de sueur et de bière renversée dans les pogos, nous nous dirigeons vers la sortie, non sans contempler avec tendresse la relève, les enfants venus nombreux ce soir-là, casque sur les oreilles, levant leurs petits doigts de métal dans les airs. Attention, les enfants, rappelez-vous : on ne dit pas des gros mots et des insultes à l’école… Sauf à la maîtresse !
Texte : Blandus (Blandine)
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