21/4/2024

Quand le Warm-Up Hellfest lâche ses démons à Biarritz

« Si tu ne viens pas au Hellfest, le Hellfest viendra à toi ! »

On ne peut pas dire que le Pays Basque compte la communauté de France la plus importante d'adeptes de musiques sombres et heavy. Alors on ne peut que dire merci aux démons échappés d'Infernopolis d'avoir fait le crochet par Biarritz pour venir nous embraser.

L'Atabal était quand même bien rempli en ce dimanche soir et les groupes ayant un registre assez spécifique, on a eu le plaisir de beaux échanges de fin de concerts, entre passionnés et amateurs convertis.

Avec la furie de Yarotz, la machinerie infernale de Ten56 et la noirceur éviscérée de Benighted... On s’est tous retrouvés pris dans un violent tourbillon de death metal bien core ! Ou comment explorer les recoins sombres et torturés de ton âme…

YAROTZ

Pour commencer la descente aux enfers, la ferveur de YAROTZ s’est imposée, toute en finesse et en puissance. Précisons que ces 3 rageux (Yarost signifie rage en russe, j’ai été cherché super loin là !) ont déjà un beau background. Avec d’autres groupes à leur actif (Junon, One Way Mirror..), un Hellfest (2022), et un accompagnement départemental parrainé par Christian Andreu (Gojira), les landais étaient déjà bien prometteurs dès la création du groupe en 2020.

Et Yarotz n’est pas un simple groupe de punk métal hardcore, que neni ! Les titres parlent de violences. De ces violences qui peinent à sortir des tabous, qui s’ancrent dans nos cœurs dès l’enfance et qui engendrent des conséquences malheureuses, voire désastreuses. Les morceaux de Yarotz sont ainsi : ils dénoncent les travers de l’Homme, de l’Humanité. Le groupe réagit à des sujets de société, actuels ou passés, et nous expose leur perversité, représentant la manière affligeante avec laquelle on s’évertue à reproduire encore et encore les mêmes bullshits.

Laurianne Conesa

Petite mention, pour ma part, pour le sublime Vergogna, avec ses mélodies qui te donnent envie de pleurer, tel un ange déchu, déçu de ne plus avoir aucune foi en l’humain. Et c’est assez incroyable à quel point leur musique porte les émotions retranscrites dans les paroles.

Ps : allez voir les clips, super propres, avec une esthétique épurée mais très parlante. Bonus : tu peux trouver les lyrics à chaque vidéo, au cas où t’aurais pas compris le message.

En live, leur musique provoque une sorte de boule émotionnelle qui demande à jaillir de toi. L’énergie est puissante, les mélodies sont sombres. Des riffs cassés, une voix qui vous mord et ne vous lâche pas, des cordes qui vous font grincer les oreilles d’ultra aigus, puis vrillent vers une rythmique rapide sur des basses (très) grondantes … avant de passer à des mélodies qui te prennent aux tripes. Je souris, mon cerveau fait « wouaaaah ». Je ne sais pas si j’en redemande. Je regarde mes potes et nos regards s'entendent : Bien sûr on en redemande, c'était trop bon ! Et d'après ce que j’ai pu entendre durant l’entre 2, ils ont convaincu à peu près tout le public ce soir, autant musicalement que par leur présence et leur intensité. Tout le monde a senti la morsure…

Laurianne Conesa

 

TEN56

En parlant de molosses de l’ombre (pôtite ref à : Le Livre Des Martyrs, ndlr), ce sont les mutants d’un autre monde de TEN56 qui enchaînent derrière.

Pour l’histoire, le groupe a lui aussi été fondé en 2020. Le batteur Arnaud Verrier (Kadinja, Uneven Structure) a posté une story car il cherchait à monter un groupe de jazz. Aaron Matts, qui venait de quitter Betraying The Martyrs, lui a répondu qu’il allait faire un groupe avec lui, mais pas de jazz.

Dit comme ça c’est marrant. Mais au fond, ça semble signifier que les musiciens sont assez open, qu'ils ne vont pas hésiter à aller puiser l’inspiration dans un panel de styles super large, et expérimenter dans leurs compos. Compos en majeure partie créées par le guitariste Luka Garotin (Earth Trip) ultra motivé d’être en leur compagnie, ainsi que celle de Steeves Hostin (BTM) à la basse et Quentin Godet (Kadinja) à la guitare. Un sacré regroupement donc ! Avec un Hellfest 2023 et pas mal de jolies scènes depuis, comme le Mvrksfest, je pense qu’on n’est pas au bout de nos surprises avec Ten56 !

Laurianne Conesa

Diazepam en est un exemple parlant, avec des lignes coupées, des effets de ralentis de malade, des descentes d’instrus saturés qui te donnent le vertige, et la voix d’Aaron qui te balaye littéralement au passage. Ce soir Aaron Matts est accompagné du Lord of Darkness. (Ndlr again : Film Legend. 1985. Culte) Le chanteur explore toutes ses possibilités vocales avec une puissance implacable, passant parfois par la douceur chuchotée du démon caché dans le noir de ton placard. Mais ce démon n’est autre que ton alter ego le plus sombre, qui se fraye un chemin au travers de tes entrailles, avec le besoin urgent de déverser sa noirceur, avant qu’elle ne submerge ton cerveau.

Laurianne Conesa

Je me rappelle avoir ressenti ça en écoutant pour la 1ère fois Kimo. Quand j’avais lu les paroles juste après, je m’étais dit « merde, ils sont p****n de bons ! »

Tu voulais de la catharsis ? Là, on en est au level up, avec des textes qui dépeignent à coup de giclées de sang le mal être, les masques sociaux, le cercle vicieux des mauvais choix, les travers tordus des méandres de la psyché humaine en souffrance ultime. Le chaos que l’on s’évertue à créer et recréer, et la manière dont il nous empoisonne. T’es dans l’ambiance ? Tant mieux, parce que sur scène, ils ont tout déboîté et passé la salle au bulldozer.

Arnaud, à la batterie, casse les rythmes avec une facilité déconcertante tout en t’envoyant des coups de masse dans la tronche. Les samples, qui donnent un ton super urbain, installent un malaise à faire crisser tes neurones et t’emportent dans une sorte de torpeur addictive. Le côté hip hop dans le flow te ramène à une réalité brutale, aussitôt hachée par des effets de guitares et basses oppressants, comme si ton pacemaker venait de lâcher !

Comme j’ai pu vite fait le dire à Aaron et Quentin après le show, j’étais venue me prendre une petite claque, j’en ai pris une grosse et je dois avouer que ça fait du bien, haha.

Ha oui, parce que ces démons sont en fait super avenants. Pendant le concert, Aaron n’hésite pas à faire des signes aux gens, des cœurs avec les doigts au monsieur qui ne pouvait pas s’accroupir avec tout le public pour le fameux jump de montée d’ambiance. Vous êtes tout pardonné Monsieur, et surtout bienvenu en enfer ;)

Entre 2 shows on peut les croiser dans le public, au merch ou dehors, et ils prennent le temps de discuter 5mn, même au gars qui s'était retrouvé là par hasard et avait clairement 2 bières de trop dans la tronche ^^

Laurianne Conesa

Quoiqu'il en soit, je crois que je suis ressortie de ce set à peu près indemne, pas sûre non plus, en tout cas juste assez pour me préparer au concert final, celui qui enfonce le pieu, avec les tarés de BENIGHTED.

BENIGHTED

Alors eux, ça fait 26 ans qu'ils distillent avec la même violence leur flot tout droit sorti d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe… mais version Mad Max en putréfaction.  Avec 7 albums à leur actif, plusieurs Hellfest, le parrainage du Furiosfest par le chanteur Julien, ... je ne vais pas faire leur bio ici, juste dire qu’ils ont su rester authentiques.

Benighted n’est pas là pour prendre la grosse tête, ils sont là pour partager un moment avec leur public en toute simplicité, en mode famille. Hyper à l’aise, Julien assure le show pieds nus sur scène, affichant clairement l"esprit anti star-system du groupe.  

Groupe qui a connu plusieurs membres au fil des années, trouvant toujours des remplaçants qui assurent remarquablement les compos, tout en faisant évoluer Benighted. Ça se ressent sur scène.

Laurianne Conesa

L’identité du groupe est à son apogée. Les instrus sont hyper travaillées, hyper dérangeantes, sur une rythmique ultra rapide qui te tient en haleine, dans un sentiment urgent de fuite devant la dernière créature infernale de Giger. On a du sang, du gore, et des gruiks à vous hérisser les poils.

Julien est infirmier en psychiatrie et forcément, ça a de quoi alimenter les lyrics ! Notez que leur dernier album Ekbom s'inspire du syndrome du même nom, caractérisé par la conviction d’avoir la peau infestée de parasites. Le son est agressif, avec un côté malsain assez perturbant. On nage en plein délire, avec toutes les subtilités psychotiques d'un univers d'anxiété putride, d'effluves de souffre et d'insectes grouillants. 

Forcément, en live, c'est brutal et cauchemardesque. Kevin Paradis, à la batterie, et Pierre Arnoux, à la basse, ne te laissent aucun répit et t'enchainent la tronche dans des rythmes violents et effrénés. Et quand je dis effrénés je suis gentille !!! La technique et la vitesse sont oufs ! 

Le guitariste Emmanuel Dalle a affûté ses cordes pour t'agresser le système nerveux avec des boucles de lignes entêtantes à souhait, jouées de manière épileptiques. Et le chanteur t’écrase de growls, screams gutturaux et autres sons tout aussi puissants que monstrueux.

Laurianne Conesa

L'horreur est à son paroxysme, intense et vicieuse. Je l'avoue, je me suis éclipsée avant la fin du set. Il faut croire que j'ai pris peur de commencer à rêver sans cesse que j'allais me faire bouffer les entrailles par un cochon sanguinolent à la bouche remplie de vers nécrophages...

Je pense que ceux qui sont restés jusqu'au bout ont dû avoir bien mal au cou le lendemain, vu la vitesse des BPM ! Et dans le pit, ça s’est bien lâché aussi, avec une bonne odeur de sueur du dimanche soir. Tout ce qu’on aime !

Je rejoins mes comparses de crime. On passe encore 1h à parler des groupes, qui nous ont visiblement tous bien tabassés le cerveau, haha ^^

Ouais, la psyché humaine peut t'amener... vraiment loin en fait !

En tout cas de cette soirée, on en ressort suuuper calmes. Merci les gars, ça marche bien la brutal death core therapy. Heureusement c’était pas encore la pleine lune !

Enfin, pour clôturer ce chaos des enfers, tout en laissant la porte entre-ouverte, je citerais Yarotz :

« Après la furie vient la nuit… »

Laurianne Conesa

Texte : Juliette Saturne

Photographies : Laurianne Conesa

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